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NOTRE MAÎTRE, LE PASSÉ

I


Notre histoire



En 1883, Louis Fréchette appelait notre histoire « un écrin de perles ignorées » et mettait l’accent sur l’épithète. Aujourd’hui, après trente-cinq ans, le mot du poète garde encore une amère saveur de vérité. Cette inconcevable négligence étonnera les penseurs de l’avenir, amateurs de philosophie d’histoire. Se peut-il spectacle plus déconcertant que celui de notre petit peuple français faisant l’apparente gageure de survivre après s’être dépouillé des meilleurs moyens de la survivance ! À nul groupe en Amérique n’était plus nécessaire une forte culture du patriotisme ; nul n’avait affirmé plus bruyamment sa volonté de survivre ; nul ne possédait pour cette durée plus de ressources de toutes sortes, plus de richesses spirituelles. Et il restera que bien peu auront fait paraître plus de détachement pour les choses du patriotisme et, de toute façon, plus mal administré leur patrimoine moral.

La charte fédérative, en restituant à notre province son autonomie politique, en avait aussi consacré le caractère ethnique. Du même coup, par la multiplication des États de l’alliance, il avait doublé puis quadruplé nos périls. Le maintien de nos droits imposait dès lors avec urgence