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La Famille canadienne-française

re, une poulette blanche qui pond tout près sur la planche ; il y a aussi une poulette grise qui pond dans l’église, aussi souvent que dans la remise ; et la dernière est toujours une poulette bleue qui pond dans les cieux.

Parmi les vertus auxquelles on dresse les enfants, il en est une que je veux signaler en passant, parce que nulle peut-être ne manifeste mieux la délicatesse des âmes anciennes, et c’est la pudeur. J’y insisterai à peine, car le plus significatif éloge que je puisse faire de l’éducation que nous avons reçue sur ce point, c’est bien qu’il me soit difficile d’en parler, même pour la louer. Nos aïeux pratiqueront une chasteté austère qui ne saura pas toujours se défendre de quelque excessive réserve. Elles ne seront pas rares les jeunes filles qui arriveront au mariage, ayant gardé intacte leur ingénuité. Pendant longtemps, et de nos jours encore, les sauvages garderont le monopole d’un très mystérieux colportage d’enfants. Et pour sauver la façade de ce mensonge pieux, il arrivera que les terribles colporteurs choisiront invariablement, pour leur descente au foyer, le moment précis où, comme par hasard, les autres enfants auront déguerpi d’urgence.

Dans les maisons quelquefois étroites pour tenir rôle de huches humaines, la disposition des chambres et des lits savait toujours sauvegarder une prudente division des enfants selon le sexe. Nos évêques, ces premiers gardiens de la famille, n’avaient pas craint de donner jusqu’en ces matières, des avis précis et détaillés. Il est un fait historique d’ailleurs, tragique au plus haut point, qui achève de nous dire là-dessus les délicates et presque farouches précautions de nos aïeux : à l’époque du grand « Dérangement, » nous le savons pro-