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La Famille canadienne-française

pentier, menuisier, forgeron, cordonnier, sellier, et, dans les jours d’hiver, tisserand et empailleur de chaises.

La mère, ah ! la mère de ce temps-là, quelques extravagantes d’aujourd’hui la trouverait bien arriérée. Me permettrez-vous cette impertinence, Mesdames ? Elles n’avaient porté, je crois bien, aucune de ces toilettes ingénieuses par lesquelles quelques-unes d’entre vous déploient tant d’art à se défigurer et y réussissent si merveilleusement ; elles lisaient plus souvent, j’en ai peur, dans leur vieux paroissien ou dans le « Guide de la bonne ménagère » que dans les catalogues de mode ; leurs mains sont rudes, gercées et grillées ; mais du moins ces femmes toutes simples n’ont pas désappris l’art de coudre, de filer, ni de pétrir l’âme de leurs enfants aussi parfaitement que le bon pain. C’est chapeau bas, c’est les larmes dans les yeux qu’il faudrait saluer l’aïeule canadienne-française, la première femme et la première épouse du monde : vaillante qui peinait tout le jour, qui, chaque soir, se laissait nimber par la lampe de minuit, qui souvent ne s’en allait coucher que sa lampe vidée d’huile ; femme de tête et de bon sens, réglant la dépense selon les revenus, faisant les amas, les cachettes d’argent qui serviront aux heures mauvaises, avec lesquelles l’on fera instruire l’un des fils ; femme de clairvoyance et d’énergie, relevant le courage de son homme, l’empêchant de faire les mauvais coups ; femme de foi, faisant tête aux pires malheurs, capable de sourire, capable de chanter avec des yeux mouillés, pour qu’autour d’elle les courages restent fermes et que Dieu soit béni.

La mère n’est pas seulement ménagère ; l’été elle se réserve aussi la garde du jardin et de la basse-cour ; puis, elle trouve le temps de courir