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Notre Maître, Le Passé

parcourront de longues distances, braveront des froids terribles, avant la grand’messe du premier janvier, pour se jeter aux genoux du chef familial. Le premier janvier 1842, l’honorable Augustin-Norbert Morin, alors juge au tribunal de Kamouraska, remontait à Québec avec l’intention d’arriver chez lui pour le jour de l’an. Retardé en route par les mauvais chemins, il dut s’arrêter à l’église de sa paroisse natale, Saint-Michel de Bellechasse, le matin même du premier janvier. C’était l’heure de la grand’messe et les gens emplissaient déjà les abords de l’église. Aussitôt descendu de voiture, M. Morin se met à chercher son vieux père dans la foule ; puis, là, aux yeux de toute la paroisse, Son Honneur ôte sa coiffure, s’agenouille sur la neige et, comme un bon fils, demande la bénédiction paternelle.

Sous une telle autorité qu’appuie le surnaturel, l’éducation de la famille canadienne produira de beaux fruits, comme tout ce qui s’accorde avec la vérité.

Autant qu’elle le pourra, elle développera l’homme tout entier. Je n’insiste point sur l’éducation physique. Dans les débuts, quand on vit habituellement au grand air, le climat et le genre de vie se chargent heureusement de suppléer le bureau d’hygiène. Et le climat et le genre de vie ne font pas besogne trop mauvaise, s’il faut en juger par ce pittoresque croquis de Marie de l’Incarnation : « Cela est étonnant de voir le grand nombre d’enfants très beaux et bien faits, sans aucune difformité corporelle, si ce n’est par accident. Un pauvre homme aura huit enfants qui, l’hiver, vont nus pieds et têtes nues, avec une petite camisole sur le dos, qui ne vivent que d’anguilles et