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La Famille Canadienne-Française

gime du mariage obligatoire. Sa Majesté a bel et dûment décrété « qu’il soit établi quelque peine pécuniaire… contre les pères qui ne marient leurs fils à l’âge de vingt, leurs filles à l’âge de seize ans ». Du même coup, pour stimuler l’obéissance des colons, le roi dote généreusement les familles nombreuses. Un édit enregistré au Conseil en 1676 octroyait à tous les parents qui auraient dix enfants et plus, nés de légitime mariage, et n’étant ni prêtres, ni religieux, ni religieuses, une rente annuelle de trois cents livres, plus une somme de vingt livres aux filles et garçons, le jour de leurs noces. Mais s’il fut jamais une loi superflue, ce fut bien celle du mariage obligatoire. Sa Majesté eut à payer beaucoup de pensions ; nous ne voyons pas qu’elle ait infligé beaucoup d’amendes dans cette contrée affreuse où l’on commençait d’être vieux garçon à vingt-cinq ans, et vieille fille à vingt ou vingt-deux ans. Contrairement à d’autres races passionnées de célibat jusqu’à en mourir, où la famille reste indivisible aussi longtemps que chacun des enfants n’est pas devenu rentier, et où l’on ne fonde de nouveaux nids que lorsque les nids ne peuvent plus réchauffer que des rhumatismes, chez nous les épouseux se présentent à l’Église, dans la pleine vigueur de la virilité, quand les forces encore vierges peuvent promettre à la race une vie saine et généreuse. Le plus souvent, il faut bien l’avouer, l’on est plus riche d’espérance que d’écus. Qu’importe ? Dans les premiers temps on sera plus ménager ; dans le costume, dans le mobilier, dans la table, courageusement l’on saura se retrancher ces superfluités que tant d’autres compensent « par des économies sur les naissances ». On croit d’ailleurs qu’il y a de la place partout pour la vaillan-