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Notre Maître, Le Passé

aussi que toutes les châtelaines de la Nouvelle-France eussent mérité le compliment fait un jour par le grave M. de Tracy à Madame Linctot : « Jolie femme qui s’acquitte dignement de faire des enfants. » Combien de fois intendants et gouverneurs, dans leurs suppliques au roi, en faveur des grands de la colonie, n’invoquent-ils pas le nombre d’enfants de ces derniers pour émouvoir favorablement Sa Majesté ? Denonville écrit au ministre en 1686 : « Je dois rendre compte à Monseigneur de l’extrême pauvreté de plusieurs nombreuses familles qui sont à la mendicité et toutes nobles ou vivant comme telles, la famille de Saint-Ours est à la teste. Il est bien gentilhomme de Dauphiné, chargé d’une femme et de dix enfants. … Le sieur de Linctot et sa femme qui ont dix enfants et deux d’une de leurs filles, se plaignent de n’avoir pas de pain. » L’année suivante, Denonville écrit encore à propos de Tilly : « Il y a le bonhomme Tilly qui est de nos conseillers et gentilshommes qui a quinze enfants… il lui faut donner du bled présentement pour vivre. » Enfin n’est-ce pas M. de Muy qui entreprit un jour le recensement des petits-fils de Pierre Boucher et qui s’arrêta après le cent cinquantième ?

Assurément, Mesdames, Messieurs, il y avait autrefois en ce pays un petit peuple qui s’inquiétait assez peu de ses ressources matérielles quand il s’agissait de peupler ses berceaux. C’est qu’en vérité la vaillance de nos aïeux cherchait son appui en d’autres forces.

C’est d’abord quand le cœur est jeune, quand le sang est fort comme le courage que l’on se marie. Depuis l’année 1669 la vocation de vieux garçon ou de vieille fille est prohibée par la loi en ce pays de la Nouvelle-France qui vit sous le ré-