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La Famille Canadienne-Française

écrit la Mère de l’Incarnation : « C’est une chose prodigieuse de voir l’augmentation des peuplades qui se font en ce pays… Outre ces mariages, (ceux des colons envoyés par le roi), ceux qui sont établis depuis longtemps dans le pays, ont tant d’enfants que cela est merveilleux et tout en foisonne ». Talon qui nous fournit un chiffre pour l’année 1671 où la colonie en est encore aux commencements héroïques, annonce au roi 6 à 700 naissances, alors que la Nouvelle-France compte à peine un peu plus d’un millier de familles. Pendant son affreux martyre sur la terre d’exil, la race acadienne jalonne sa route d’autant de berceaux que de tombeaux et ne cesse d’opposer de nouveaux vivants à ceux qui veulent sa mort. Et ne savons-nous point que, moins de quatorze ans après la sombre épreuve de la conquête, nos aïeux étaient passés de 65,000 à 100,000 habitants ; ce qui faisait dire à Carleton que la race anglaise ne pourrait s’implanter au pays qu’avec le grand risque de s’y faire étouffer.

Cette fécondité qui est de tous les temps, est aussi de toutes les classes. Parce que chacun obéit à la même loi et parce que la tâche n’est pas ici un devoir qu’on subit, mais un devoir qu’on accomplit, la famille nombreuse n’est l’apanage exclusif d’aucune catégorie sociale. Les seigneurs et les bourgeois ne se déchargent point sur le petit peuple du recrutement de la race. Quand, en l’an 1719, les négociants canadiens protestent contre la concurrence des forains venus d’outre-mer, parmi les arguments qu’ils invoquent pour obtenir la protection du Conseil de la marine, il y a la nécessité de protéger leurs familles « dont la plupart, affirment-ils, sont nombreuses. » Quant à la noblesse ou à la classe seigneuriale, nous savons