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La Famille Canadienne-Française

l’honneur du lien matrimonial, défense sera faite aux curés d’admettre à la bénédiction nuptiale les soldats libertins et leurs victimes. Du reste, la Nouvelle-France est un pays où règnent souverainement la discipline de l’Église et les mœurs chrétiennes. La sainteté du lien conjugal est admise comme un principe qui ne se discute point, comme une loi naturelle. Non seulement la tolérance n’est pas admise pour l’impudeur ; mais l’impudeur se condamne elle-même en se cachant. Au besoin le bras civil vient au secours de l’Église et de l’opinion. Ce qui est mal au regard de l’ordre moral l’est aussi au regard de l’ordre public. Et la justice qui ne badine point, déportera, sans mot ni phrase, non pas seulement les scandaleux et les bigames de la petite roture. Mais, pour ne nommer que ceux-là, un M. de la Frédière, une fille du procureur du roi à Québec, un M. de Gallifet, gouverneur aux Trois-Rivières, apprendront, en repassant la mer, que les grands ne possèdent point ici de privilèges contre la morale commune.

Protégé par ces moyens énergiques qui aident aux mœurs à se maintenir, l’honneur de nos origines et des foyers canadiens restera sauf. Nos premiers aïeux furent souvent de pauvres gens ; ce fut rarement de tristes gens. Quand le paysan de la Nouvelle-France, après être allé chercher au magasin de l’Intendance, son baril de lard et son baril de farine, faisait entrer sa jeune compagne dans sa hutte de colon, il aurait pu écrire au-dessus de la porte : Ici l’on n’est point riche d’or et d’argent ; mais de l’honneur il y en a plein la maison.

Les registres dans le gouvernement de Québec n’attesteront qu’une seule naissance illégitime sur 674 enfants baptisés jusqu’à l’année 1660, et