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V

L’ANNÉE 1943 — MORT DE MA MÈRE

Peu d’années auront autant marqué ma vie que celle-là. Événements de famille, événements politiques se sont conjugués pour m’affecter profondément. Cette période de 1940-1950 aura été pour moi la période des grands deuils. Que de grands amis vont disparaître ! Et d’abord, c’est ma vieille maman qui s’en va. Malgré ses terribles infirmités, elle se prolongeait quand même avec une vitalité qui ne paraissait guère diminuer. Et pourtant, on la sentait à bout. Oh ! ces vieux ! Vieilles lampes fatiguées, avec un tout petit bout de mèche et quelques gouttes d’huile et qui clignotent avant de s’éteindre. En octobre 1943, elle demeurait, depuis quelques semaines, chez ma sœur Sara, madame Omer Lalonde, dans le rang de Quinchien, à Vaudreuil. Depuis que le médecin avait estimé dangereux pour elle tout retour à Montréal, elle résidait chez ses enfants, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Tout à coup sa santé parut fléchir. Le docteur René Dandurand que j’amenai la voir, me déclara : « C’est la fin. » Mais la fin se prolongea. Le 13 octobre, j’ai un cours à l’Université et, le soir, je dois remercier Bourassa qui inaugure le récit de ses Mémoires à la salle du Plateau. Je m’enquiers auprès du Dr Bellemare de Vaudreuil : « Puis-je aller à Montréal, cet après-midi ? — Vous connaissez la vitalité de votre mère ; elle peut durer encore deux jours sûrement. » Je bénis ma maman et je pars pour Montréal. Je peux difficilement ne point assister à la conférence de Bourassa et lui dire mon remerciement. De