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mes mémoires

de professeurs, mais s’efforce d’abord et avant tout, de nous donner des éducateurs. On peut nous reprocher, répétai-je à Son Excellence, d’être de pauvres professeurs ; on ne devrait point nous reprocher d’être de pauvres éducateurs. Rôle premier, rôle éminent qui justifie, en somme, notre présence dans nos collèges. Un laïc peut enseigner aussi bien que nous. Mais si le prêtre croit un tant soit peu en son sacerdoce et dans les ressources qu’il en peut tirer, nul ne le peut égaler dans la fonction d’éducateur. Je propose donc deux hommes qui, à mon avis, eussent pu donner à l’École normale supérieure, l’orientation, l’esprit qui, à mon sens, devait être le sien : l’abbé Philippe Perrier, mon ancien curé du Mile End, qui s’était démis de sa cure en 1930 et qu’on n’avait pas trouvé le moyen d’utiliser dans Montréal, depuis lors. Au nom de l’abbé Perrier, j’avais joint celui de l’un de mes anciens dirigés de Valleyfield, devenu supérieur au Séminaire de Sainte-Thérèse, l’abbé Percival Caza. À l’Université, j’avais rencontré quelques-uns de ses anciens élèves et dirigés. Tous m’avaient paru d’une qualité d’âme remarquable. Au cours de la conversation, avais-je encore soufflé à Son Excellence, les collèges pourraient peut-être contribuer au coût de l’institution, à même l’allocation que leur accorde le gouvernement. L’Archevêque m’arrêta d’un geste :

— Les finances de l’Archevêché peuvent y pourvoir.

Devant un archevêque aussi bien disposé, comment ne pas risquer une autre prière ? Pour ceux-là, lui dis-je, qui ont passé l’âge d’aller à l’École normale, accordez-nous donc une retraite spéciale où un homme d’éducation viendra nous entretenir du rôle et des devoirs du prêtre-éducateur. Depuis près de quarante ans, ajoutai-je, je participe à des retraites de prêtres. Or, dans les sermons du prédicateur aussi bien que dans les conférences de l’évêque, il semble qu’un seul prêtre existe : celui du ministère paroissial. Rien pour le prêtre de collège qui forme pourtant une portion imposante du clergé. Encore une fois la réponse de l’Archevêque vient comme un trait :

— Voulez-vous prêcher la première retraite ?

— J’accepte.

Qu’advint-il de l’École normale supérieure ? Hélas ! l’Archevêque, un peu impulsif, bientôt débordé par son énorme be-