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mes mémoires

de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, des sciences. Vous verrez aussi, à la fin du volume, une soixantaine de pages consacrées à des directives générales sur l’éducation nationale. Il s’agit de « directives générales », mais directives assez précises et capables de rallier tous les bons esprits.

Quoi qu’il en soit, cher M. le sénateur, vous pouvez être persuadé que je n’en suivrai pas moins, avec grande sympathie, l’œuvre du Collège Stanislas. J’ai voulu, tout simplement, vous faire part de mon état d’esprit, avec ma franchise coutumière.

Veuillez agréer l’hommage de mes meilleurs sentiments.

Lionel Groulx, ptre

Le sénateur me répond le 3 octobre suivant. Je l’ai gagné à mon projet. Il m’écrit :

Je vous ai dit que j’appelais de tous mes vœux, comme vous, la création d’une École normale supérieure. Je croyais qu’elle s’imposerait surtout lorsque Stanislas aurait formé des élèves en état de profiter pleinement de cet enseignement, mais je me rends compte qu’elle pourrait dès à présent rendre de grands services. Dans ce but, je suis prêt à joindre mes efforts aux vôtres, si je peux vous être le moindrement utile.

Vous me disiez dans votre première lettre que vous n’osiez pas préconiser publiquement cette réforme, de peur d’indisposer les autorités à qui il appartient d’en prendre l’initiative et la direction… Dites-moi, s.v.p., quelles résistances vous prévoyez. S’agit-il seulement des frais à prévoir, ou du personnel compétent à réunir ? Je suis convaincu que la France serait prête à nous aider en nous donnant les professeurs que nous lui demanderions…

Ce cher sénateur me donnait désormais du « cher ami ». Voulait-il se faire pardonner son opposition de jadis à ma liberté d’historien ? Nous nous rencontrerons souvent, sur la rue Laurier, lorsque je serai devenu citoyen d’Outremont. Nous allions chercher nos journaux, au même dépôt, chez les Demoiselles Gagné. Au retour et même sur le perron de l’église où je me dirigeais, nous aurons de longs colloques. Pendant la guerre, il me confiera même quelques échos des débats au cabinet fédéral, dont il était ministre. Il me dira, par exemple, un jour : « Il y a un point sur lequel, ce me semble, vos amis du Devoir devraient davantage insister. Et c’est ce que nous coûte à nous, Canadiens