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septième volume 1940-1950

de notre éducation. En deux ou trois ans, aidés s’il le faut de quelques professeurs de France, nous aurions jeté, dans nos collèges, une équipe de maîtres qui sauraient un peu de pédagogie et qui sauraient aussi comme l’on forme des hommes et des chrétiens. Je suis persuadé, du reste, que, dans le relèvement de notre enseignement, les Canadiens français ont encore à jouer le premier rôle. Nous devons rester et nous resterons, sans doute, toute notre vie, les disciples et même les fils de la culture française. Je ne crois pas que nous puissions accepter, comme un avenir normal, de rester perpétuellement les élèves des professeurs de France. En ce cas, autant vaudrait leur abandonner la direction de nos petites et de nos grandes écoles, y compris nos universités.

Vous connaissez trop mes sentiments francophiles pour savoir que le Collège Stanislas ne me fait point peur. Je suis persuadé que, pour l’enseignement, l’on y fera une excellente besogne. Toute mon appréhension me vient de l’état d’esprit ou de l’atmosphère morale qui prévaudra en cette maison. Les professeurs sauront-ils s’adapter aux exigences de notre destin exceptionnel ? L’expérience de Valleyfield que j’invoquais, dans ma dernière lettre, me donne le droit, ce me semble, de nourrir cette appréhension. Ces professeurs étaient des Eudistes, pour la plupart diplômés de l’Université de France. Je me souviens d’avoir eu avec eux les plus cordiales relations. Les élèves ne discutaient pas leur compétence ; ils leur refusaient une trop large part de confiance, et tout uniment pour l’impuissance de ces professeurs à s’adapter. Ils prêchaient la France, ils enseignaient la France. Des Eudistes ont dirigé pendant un bon nombre d’années, les Collèges acadiens de Bathurst et de la Pointe-à-l’Église. Les Acadiens leur ont gardé une grande reconnaissance. Toutefois, je le sais, l’opinion est très partagée parmi nos frères des Provinces maritimes, sur l’orientation que ces professeurs de France ont donnée à la jeunesse acadienne.

Vous me dites que nos professeurs canadiens-français eux-mêmes n’auraient pu s’entendre sur une formule d’éducation nationale. Je me permets de vous indiquer un petit volume de 562 pages intitulé : « Notes du Comité permanent sur l’enseignement secondaire » paru en 1937, sous les auspices de l’Université de Montréal. Vous y verrez le large et le progressif plan d’enseignement que se sont tracé les professeurs de l’Enseignement secondaire, en notre région montréalaise, pour l’instruction religieuse, l’étude du français, du latin, du grec, de l’anglais,