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mes mémoires

Esdras Minville, d’autres. L’intention du sénateur ne fait point de doute : il veut nous amener, entre la poire et le fromage, à faire bonne mine à son projet de collège parisien. J’aurais aimé le lycée laïque qui promettait de tomber en d’excellentes mains. Je n’étais pas opposé à un Collège Stanislas. Sans en attendre des merveilles, une opportune concurrence ne pouvait, ce me semble, que bénéficier à nos collèges. Toutefois, et tout de suite, je m’en explique franchement au sénateur. « On fonde Stanislas, lui dis-je, et pourquoi ? Pour corriger l’insuffisance et la pauvreté de l’enseignement de nos collèges. Or, avant de faire de la publicité à une institution étrangère, je m’emploierai plutôt à la réforme et à l’amélioration de nos institutions collégiales. Car enfin ces collèges vont subsister et continuer, à votre avis, une œuvre déplorable. » Le sénateur m’avait écrit, en effet, le 13 juillet 1938 : « Comme votre approbation publique induirait un bon nombre de parents à confier leurs enfants à Stanislas, je viens vous prier d’écrire votre avis, soit directement à la presse, soit à Monseigneur [Gauthier], ou à moi-même. » Je lui répondais le 7 septembre 1938 :

Cher monsieur le sénateur,

J’ai songé quelquefois à l’article que vous m’aviez demandé en faveur du Collège Stanislas. Je n’ai pu me résoudre à l’écrire pour les raisons suivantes que je me permets de vous exposer en toute franchise.

Je n’étais pas opposé en principe à la fondation d’un lycée ou d’un collège laïc. Je l’ai surtout crue inévitable. À propos de ce lycée ou de ce collège, j’ai même laissé passer dans La Province la phrase que vous citez : « Puisse-t-il être tel que nous le désirons et tel qu’il faut qu’il soit. » Cependant je ne vous en ai pas fait mystère, lors de notre réunion chez vous : le collège que je croyais acceptable, et ce soir-là, je pense, nous étions tous du même avis, c’est un collège où les Canadiens français auraient gardé dans la direction, quelque chose comme la haute main et où le professorat fût resté largement ouvert à nos jeunes laïcs compétents. Qu’est-il advenu de ce projet ? Certaine littérature parue jusqu’ici dans les journaux me donne fortement à penser qu’au Collège Stanislas, les Canadiens français tiendront, et dans la direction et dans l’enseignement, un peu moins que la portion congrue.