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tur maître. Mais ce jeune homme, une fois recruté et enrôlé, je voulais qu’on ne le perdît point de vue au Grand Séminaire. Pourquoi mettre en veilleuse la précieuse vocation ? Il appartenait donc à l’évêque de garder l’œil sur ces sujets privilégiés. À tous ces jeunes gens venus des divers collèges, serait-il si difficile de proposer la formation d’un cercle pédagogique, et une fois au moins par mois, de leur offrir une lecture spirituelle appropriée à leur futur état, et même de temps à autre, une conférence spéciale par quelque pédagogue, prêtre ou laïc, d’expérience reconnue ? L’important, me semblait-il encore, consistait à fournir à ces jeunes gens, le moyen d’orienter leurs études théologiques et leur formation spirituelle en vue de leurs tâches prochaines, ainsi qu’il en arrive dans les noviciats ou scolasticats de communautés religieuses. L’on y étudie la même théologie ; l’on reçoit, en principe, la même formation ascétique ; mais tout s’ordonne vers les fins propres de la société religieuse.

Après sa sortie du Grand Séminaire, et si l’évêque jugeait encore le jeune prêtre suffisamment apte à la tâche d’éducateur, je proposais ― et c’était le second point de ma réforme ―, je proposais, dis-je, qu’on lui ouvrît les portes d’une École normale supérieure. Ah ! cette école, comme je l’avais à cœur et qu’elle habitait mes rêves depuis de longues années ! Je me souviens qu’à l’Université de Fribourg, soit en 1908-1909, j’en causais avec mes compagnons d’étude, l’abbé Wilfrid Lebon et l’abbé Eugène Warren. Dans cette fermentation d’esprit que suscitait en nous le milieu de l’université fribourgeoise, que de projets échafaudait alors notre petit trio canadien ! Nous étions si naïvement assurés d’apporter quelque chose à notre cher pays. Les idées marchent lentement au pays de Québec. Hélas ! de retour au Canada, je ne vois pas que mon projet d’École normale revienne à la surface, si ce n’est sans doute, dans quelques conversations entre confrères et amis. Il paraissait si audacieux d’obliger tous les professeurs de collèges à posséder un diplôme de compétence ! Ce n’est qu’en 1932, à Montréal déjà depuis dix-sept ans, que je m’en ouvre enfin à un évêque. À l’Université, dans mes courses à travers les collèges, j’ai pu constater la pauvreté intellectuelle de