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septième volume 1940-1950
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nateur, je ne crois pas me méprendre sur le sentiment de mes compatriotes, en affirmant qu’il pourrait se ramener à ces trois données : reconnaissance du fait français au Canada, maintien de l’autonomie provinciale, primauté de l’idée canadienne sur l’idée impérialiste. » Je commentais : « Nos compatriotes anglo-canadiens comprendront, nous en sommes sûrs, que le fait français a tenu et tient encore une trop grande place d’un bout à l’autre du Canada, pour qu’on lui interdise de dépasser les frontières d’une province. Ils comprendront que la langue, la culture françaises sont de trop grandes dames, ont rendu trop de services à l’humanité, à la civilisation, au Canada même, pour que nous, leurs fils, acceptions, sans nous déshonorer, de les laisser pourchasser ou boycotter en quelque coin que ce soit de notre pays, encore moins au parlement fédéral. Nous unir à l’imitation des Anglais et des Écossais, certes, nous en sommes. Mais les Écossais sont restés des Écossais. La reine prend la peine de le souligner : ils ont gardé leur identité ethnique, leur droit, leurs croyances, leurs traditions, leurs emblèmes. Nous voulons la collaboration, l’union nationales, mais nous voulons d’une collaboration où nous serons traités comme des collaborateurs. » Et je proférais de pires énormités. Par exemple celles-ci : « Nous prenons pour acquit que nous vivons en Amérique et que nos problèmes de vie sont plus américains qu’européens. Nous tenons également que les objectifs de l’impérialisme anglais, tels que définis l’autre jour par M. Chamberlain et lord Halifax : “les intérêts vitaux de l’Angleterre”, sa “position dans le monde”, ne sont pas de ceux pour lesquels un peuple, et quelque peuple que l’on veuille, accepte d’ordinaire les suprêmes sacrifices : l’immolation de sa jeunesse, le risque de la ruine, de la banqueroute, de l’anarchie. »

« Ajoutons que nous combattons l’impérialisme anglais, au nom du premier des biens pour un pays : la paix intérieure, l’union nationale. [L’impérialisme !] Sentiment d’une minorité, sentiment factice, entretenu à prix d’or, sentiment anachronique qui prétend ramener un peuple majeur au servage colonial, et nous prions qu’on nous dise, s’il est pire semence de désordre, rien de plus propre à perpétuer la mésentente au Canada… On cherche un commun dénominateur national. On ne fonde pas un État en sabotant sa souveraineté. On ne crée pas un sentiment national en enseignant à aimer, à servir les autres pays plus que son pays. Le premier