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mes mémoires

Pourquoi nous sommes divisés. Un exposé de maître, qui permet de prendre une vue d’ensemble de notre véritable situation et qui suggère les seuls moyens à prendre pour assurer une union nationale qui ne soit pas à notre désavantage… » Et Richer ajoutait, après quelque vue pessimiste sur les querelles de nos gens : « Si nous ne vous avions pas, pour rappeler les vérités qui sauvent, je ne sais où nous en serions. »

Notre mystique nationale

Voilà bien du mélange en ces souvenirs. J’écris au fil de la plume, ne méprisant ni l’ordre ni la logique, mais flirtant volontiers avec le facile laisser-aller où tente pourtant de se définir l’histoire que j’ai vécue : histoire des pensées, des mouvements, des espérances, des déceptions où la vie m’a jeté. On vient de lire un résumé des écrits et discours qui prétendaient à franchir les frontières du Québec, à remettre un peu d’ordre, un peu plus de franchise dans nos relations avec le compatriote anglo-canadien. Revenons vers les nôtres. Parmi eux l’on a souvent noté, dénoncé et non sans raison, l’affreuse confusion des esprits, la caravane interminable des idées fausses, biscornues qui se promène effrontément à travers la chère province. C’est vrai aujourd’hui ; ce l’était hier et presque autant. Combien de fois ai-je gémi sur ce qui me paraissait la douloureuse nudité de nos esprits sur les idées essentielles où s’appuie et je dirais même se fonde la conscience d’une nation. De là ces thèmes fondamentaux : mystique nationale, mission française, études classiques et professionnelles où j’essaie de voir clair, d’énoncer quelques vérités rédemptrices. Et, sans doute, l’on me disait dans le temps et on me l’a répété bien des fois au cours de ma vie : « Pourquoi cette peine, cet entêtement en votre tâche ? Pourquoi ce surcroît ajouté à vos travaux déjà si durs, si absorbants ? » À quoi j’aurai fait et répété bien des fois cette réponse : Je n’ai pas cédé aux seules poussées d’un vulgaire nationalisme. Dès mon premier abord avec l’histoire canadienne, une entité spirituelle m’est apparue, unique sur le continent, enfantée dans la lumière radieuse, héroïque de ses premiers matins : cette foi apportée de France, un peu austère, mais si pure, si expansive, si apostolique. Et cette entité, c’était mon pays, la Nouvelle-France de jadis. Et cette Nouvelle-France, l’histoire me