Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
septième volume 1940-1950

races. À vrai dire les prêches de l’abbé Arthur Maheux, de Damien Bouchard et de quelques autres prédicateurs de la « bonne-entente » m’agaçaient depuis longtemps. On connaît ces prêches où béatement l’on inclinait à tenir les Canadiens français responsables du désaccord et qui se terminaient par une exhortation doucereuse au pardon et à l’oubli. Aveux de culpabilité qui me paraissaient procéder moins de la dignité que d’une insigne bonasserie. Au surplus allait-on vraiment au fond de la question ? Étions-nous les responsables de ces froissements ou crises qui assombrissent l’histoire canadienne ? J’entrepris d’y regarder de plus près et de dire la vérité, si déplaisante qu’elle pût être. La « bonne-entente » avait surtout besoin, à mon sens, de clarté et de franchise. Le 29 novembre 1943, toujours en temps de guerre, au Monument National de Montréal, sous les auspices de L’Action nationale, je prononce la redoutable conférence : « Pourquoi nous sommes divisés ». L’abbé Arthur Maheux avait intitulé l’un de ses écrits tout récents : Pourquoi sommes-nous divisés ? En posant la question un peu dans les mêmes termes, j’avais l’air de lui servir une réplique. Intention qui n’était vraie qu’à moitié. Ce soir-là, Jacques Perrault, jeune avocat, présente le conférencier ; Roger Duhamel le remercie. La conférence débute par des précautions oratoires nettes, presque sèches :

Le sujet n’est pas tout à fait nouveau. Je le sais plein de fondrières, plein d’embûches. Radio-Canada, la plus impartiale, la plus indépendante de nos institutions nationales, [c’était narquois] ne permet pas à tout le monde de le traiter. Je l’aborde quand même — ai-je besoin de vous le dire ? — en toute objectivité, sans enfarges, sans fil à la patte. Je crois savoir ce que