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mes mémoires

Caron : « En fait d’administration le Bas-Canada doit avoir ce qui est accordé au Haut-Canada ; rien de plus, mais aussi rien de moins. » Il a voulu l’égalité entre les races. A-t-il jamais cru à leur fraternité ? Que l’Union des Canadas n’ait pas tourné comme l’aurait souhaité LaFontaine, la faute en est-elle à ses idées politiques ou à d’autres causes, à ses alliés réformistes du Haut-Canada, par exemple, si instables en leur comportement politique ? La faute n’en serait-elle pas aussi aux compatriotes canadiens-français du chef de 1842 et de 1848, déjà si partagés et acharnés à se diviser de plus en plus après la réapparition de Louis-Joseph Papineau sur la scène canadienne ? On sait avec quel désenchantement LaFontaine, encore jeune, et devant une œuvre à peine commencée, choisit de quitter la politique.

Pour toutes ces raisons et dans ces perspectives, j’acceptai, en 1942, de célébrer le centenaire de 1842. Nous étions en pleine guerre, sous le règne d’une rigide censure. Critiquer vertement la politique coloniale anglaise, oser parler de victoire de l’autonomie, d’aspiration à l’indépendance pouvait paraître graves propos aux oreilles de nos politiciens d’Ottawa, surtout canadiens-français, MM. Ernest Lapointe et autres, et cela même après le statut de Westminster. Les éditeurs de ma brochure allaient, du reste, lui donner un titre auquel je n’avais nullement songé : Vers l’indépendance politique. De là ces formules précautionneuses, quoique toutefois quelque peu audacieuses, employées dès le début :

1842-1942. Anniversaire du premier ministère LaFontaine-Baldwin ; anniversaire du premier gouvernement autonome au Canada ; première et grande victoire d’une jeune démocratie ; émancipation politique et nationale d’un petit peuple opprimé ! Encore un centenaire que nous serons seuls à fêter. Encore un timbre commémoratif que pourra économiser notre ministère des Postes.

En remontant vers les causes au moins prochaines de ce grand événement, j’aurai peut-être à rappeler des discours, des faits et des gestes assez désagréables. J’en préviens tout de suite