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septième volume 1940-1950

s’est efforcé de tirer le meilleur parti possible. Qu’aurait-il fallu faire d’autre que ce qu’il a fait ? Les jeunes historiens seraient bien aimables de nous le dire. Les Canadiens français auraient-ils dû et pu se refuser à l’Union, se renfrogner dans leur ghetto du Bas-Canada ? Que leur aurait valu cette politique de l’isolement, dominés, écrasés politiquement et économiquement, comme ils l’étaient et comme ils le seront longtemps, par la puissante bourgeoisie anglo-canadienne ? La solution de LaFontaine leur ménageait, à tout prendre, une participation plus active qu’avant 1840, au gouvernement du nouvel État, participation dont il dépendra d’eux de tirer bon ou mauvais parti. Le « gouvernement responsable », si fantomatique ou trompeur qu’il fût, n’en représentait pas moins, non plus, pour les Canadas, un commencement d’autonomie et de décolonisation. Chose certaine, les contemporains de LaFontaine n’ont pas interprété comme un faux pas, une bévue irréparable, sa prise de position de 1842. Loin de là. Une reprise de courage releva les abattus, les défaitistes. Un souffle nouveau passa sur le Bas-Canada. Il inspira même le premier essor de la littérature canadienne-française. Il nous valut Garneau, Crémazie, quelques autres. L’historien anglo-canadien Edgar McInnis écrit : « Le Rapport Durham et l’Union qui s’ensuivit, avaient en fait contribué à revigorer le nationalisme canadien-français. » Et du même historien, cueillons cette autre observation : « Au moment où la poignée des écrivains du Canada de langue anglaise cherchaient à tâtons une expression nationale qui leur fût propre, le nationalisme canadien-français florissait, dans un mouvement littéraire et historique, avec le dessein de fond de maintenir et de renforcer un esprit de séparatisme racial. » D’ailleurs LaFontaine a-t-il tenté, nourri, autant qu’on veut bien le dire, l’utopie de l’égalité ou de la fraternité des races au Canada ? Sur l’autonomie du Bas-Canada, sur l’égal partage des droits et des privilèges, cet autre point est acquis, il n’a jamais cédé. En 1848 il ne consentira à reprendre les responsabilités du pouvoir qu’à l’expresse condition d’une égalité de traitement pour les deux Canadas. En 1845, il adresse, par exemple, cette ferme réponse à René-Édouard