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subtilités dialectiques, telles que celle-ci : « Le politique doit-il dominer le national ? Ou, vice versa, le national le politique ? Il me suffit de retenir que, nullement étrangers l’un à l’autre, ils sont en étroite dépendance. Quel est le rôle du politique ? Procurer le bien commun. Or si le national est ce que nous l’avons défini : une portion du bien spirituel de la communauté, il devient une large part du bien commun et voire un moyen d’atteindre ce bien commun. Donc l’homme politique a le devoir de s’inspirer du national ; il lui est interdit de le négliger ; il doit faire ce qui dépend de lui pour assurer l’efflorescence de la culture nationale, en vue de permettre aux nationaux de réaliser leur pleine humanité. »

De là suivaient quelques conclusions : « S’il se trouve, en un pays délimité géographiquement et politiquement, une population de 2,500,000 Canadiens français formant en ce pays les quatre cinquièmes de la population totale ; si ce pays, pays de ces quatre cinquièmes, est devenu juridiquement leur patrie par droit de premiers et perpétuels occupants, et par droit historique ; si cette population possède des richesses culturelles notables, indispensables à l’acquisition de son bien humain, je dis que, pour elle, un État national est un postulat de droit légitime. Et cette autre formule est tout aussi légitime qui veut que la politique de cette province soit d’abord une politique canadienne-française. Eh quoi ! nous voulons une économie nationale, une culture nationale, un pays de visage français ; et nous prétendons y avoir droit. Rien de tout cela est-il réalisable si notre population et notre pays ne sont pas gouvernés pour leurs fins propres ? » (Directives, 1re édition, p. 115-116.)

Je reprenais alors une argumentation déjà faite, mais en la renforçant de quelques autres considérations : « Ce postulat de l’État français, disais-je donc, n’offre rien de nouveau. Il est dans la stricte ligne de notre histoire. Il a été progressivement réalisé à partir de 1774. Le petit étudiant en histoire qui a saisi cette simple série de faits : 1 – la portée de l’Acte de Québec : avènement, consécration juridique du nationalisme canadien-français, selon le mot d’un historien anglo-canadien ; 2 – la portée de la constitution parlementaire de 1791 : création d’une province française et création voulue, délibérée, d’un État français par le