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mes mémoires

Pour ce qui était de l’indépendance du Québec, je reprenais la thèse tant et tant de fois exposée : position du problème en de vraies conjonctures mondiales et américaines ; bascules inévitables des grandes puissances et même des races et des continents ; caducité du fédéralisme canadien, avenir inévitable aux provincialismes et non pas au centralisme ; préparer les événements, ne point les bousculer… Et pour finale :

Le devoir des jeunes d’aujourd’hui, c’est donc de préparer la génération de l’indépendance. Parmi ces jeunes, il appartiendrait aux scouts québécois de nous fournir les chefs de file.

Entrevue avec Aujourd’hui Québec

Voici pourtant un échec qu’il me faut humblement enregistrer. J’avais salué avec une certaine joie l’apparition d’Aujourd’hui Québec. J’y avais aperçu une première et courageuse réaction contre tant de publications, journaux ou revues de jeunes d’une déliquescence désespérante. Monotones pronunciamientos contre les aînés, les croulants, contre tout ce que leurs pères ont tenu pour sacré, révoltes enfantines contre toute morale, contre tout frein pour ces poulains indomptés. Ces jeunes d’Aujourd’hui Québec paraissaient vouloir un redressement de l’esprit de la jeunesse. Et je crois qu’ils l’ont voulu sincèrement. D’autre part je m’étonnais de leur mince prise sur la meilleure part de la masse juvénile ; je m’étonnais davantage de l’esprit plein de réserve d’une partie de la jeunesse. Bientôt je connus la lourde paternité spirituelle dont ces jeunes relevaient. Leur animateur était un Père Roy, oblat, homme d’œuvres, fondateur jadis de la JOC, homme de pleines voiles mais de peu de doctrine, tenu en suspicion, je le sais, par le cardinal Villeneuve. Un jour j’appris que le Père Roy avait dû abandonner la JOC, passer la main à un autre esprit plus solide. Mais après une longue absence le Père Roy était revenu. Et il avait inspiré la fondation de la petite revue, s’il ne l’avait lui-même fondée. À chaque numéro, j’y reconnaissais la vieille formule de l’Action catholique, celle que j’ai dénoncée dans Chemins de l’avenir, qui