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huitième volume 1950-1967

d’Athènes, ni celle de Rome, ni celle du Grand Roi. Mais elle sera riche du juste équilibre de ses éléments matériels et spirituels, riche des valeurs d’âme que nous aurons su y infuser. Et elle sera belle de son originalité et de son extraordinaire réussite dans le contexte américain.

Certes, je sais à quels ricanements je m’expose ici, de la part de quelques-uns de nos intellectuels. Bâtir une civilisation ! Pourtant nous aboutirons là où peut et doit aboutir toute culture humaine, ou nous n’aboutirons à rien. Nous perdrons tout : lentement nous nous éteindrons dans l’infantilisme intellectuel où nous croient à jamais condamnés nos beaux esprits. Mais non, j’ai l’espoir que la bêtise, si bête soit-elle, ne l’emportera pas.

Par delà la « trahison des clercs », je vois une aube nouvelle se lever.

Je ne saurais dire avec quelle secrète joie, j’avais énoncé ces dernières lignes. Oser parler de civilisation, aboutissant de notre culture. Narguer tous nos petits intellectuels, nos défaitistes de tout poil, tous nos méprisants, tous ceux-là qui, pour ne nous pas croire assez petits, s’appliquent rageusement à nous rapetisser… Il y a des joies, de ces revanches qu’il fait bon savourer, ne serait-ce que pour se remonter soi-même !

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Sur le problème économique au pays du Québec, je m’explique encore plus franchement avec André Laurendeau dans Le Devoir du mercredi, 24 octobre 1962. Il était alors question de reprendre possession de nos énergies hydrauliques, et par là, d’étatiser onze compagnies d’électricité, de fortifier d’autant une compagnie de la Couronne : l’Hydro-Québec. Était-ce là du socialisme ? Le socialisme avait-il dicté aux nationalistes de mon temps la volonté de notre libération économique ? André Laurendeau voulait le savoir. Je lui réponds carrément : « Pas de survivance française pour nous sans libération économique. » À la question : pourquoi, prêtre, me suis-je à ce point intéressé au problème économique jusqu’à en être obsédé, et depuis quarante ans, ma réponse n’est pas moins nette : « Pour ses effroyables répercussions aperçues de bonne heure dans tous les