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huitième volume 1950-1967

rappel de la fable de Sisyphe où j’ai toujours vu un symbole de notre histoire :

Rôle de Sisyphe… en particulier celui de ma génération. Nous avions épousé, disais-je à mon auditoire, toutes vos ambitions. Nos formules ressemblaient étrangement aux vôtres. Hélas, nous avions contre nous tous nos officiels et les grands dirigeants de notre vie économique. Le rocher de Sisyphe nous a paru lourd ; plusieurs fois il est retombé sur nous au risque de nous écraser. Une nouvelle génération est venue, ce me semble, qui, de ses fortes mains, et avec l’aide de Dieu, va ressaisir le rocher de notre destin, pour l’asseoir résolument sur un sommet solide d’où, plus jamais, il ne redescendra.

Mon allocution ne devait durer qu’un quart d’heure. Elle dura une demi-heure, coupée par trop d’approbations vibrantes. Je le confesse avec un peu et même beaucoup de confusion, j’éprouvai, une fois de plus, ce jour-là, la joie et la vanité de sentir devant moi, un auditoire véritablement dominé, les yeux braqués sur les miens, et qui communiant à ma pensée, à mes déclarations passionnées, me paraissait onduler par vagues.

L’on avait enregistré sur bandes la petite allocution. On la mit en brochure. Elle courut par toutes les sections de la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste. Mais elle mit fin, sinon à mes discours publics, du moins à des manifestations de cette sorte.