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huitième volume 1950-1967

Une autre occasion s’allait du reste présenter — et ce ne serait pas la dernière — où bon gré mal gré il me faudrait encore céder à la force. Au début de juin 1964 (du 5-7), la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec tient dans la capitale québecoise son congrès annuel. On m’invite à y prononcer le principal discours au banquet de la fin. Sur conseil de mon médecin, le Dr Jacques Genest, je ne me prête plus guère aux longs voyages et à ces efforts oratoires. Je crois au surplus qu’à un âge avancé tel que le mien, il faut savoir se taire. L’on a tout dit ce que l’on avait à dire. Me répéter m’est une vraie souffrance. J’oppose donc à mes amis de la Fédération un refus. Mais on revient à la charge et l’on y met de telles instances : préparation minutieuse du voyage, réservation au Frontenac d’un appartement, pour moi, ma secrétaire et son mari, nulle autre apparition au congrès qu’au moment du banquet, etc., etc. Ma secrétaire qui doit me conduire à Québec, finit par me convertir. Je suis donc là le 7 juin. L’auditoire en vaut la peine : plus de 800 convives. Je me sentais quelque peu inquiet. La voix, vieillie, me faisait parfois défaut. Mais l’on a placé devant moi tant de micros — j’en porte un au cou — que, le moment venu, je crois avoir retrouvé la voix de mes meilleurs jours. Je n’avais préparé qu’une courte allocution. Disais-je quelque chose de nouveau ? Je ne le crois pas. Peut-être le disais-je d’une façon nouvelle. Mais la génération d’aujourd’hui connaît si peu le message que lui ont laissé ses aînés, qu’elle verrait du nouveau où il n’y aurait que sa surprise d’en apercevoir. Mon thème consistait à montrer comment nos impatiences d’aujourd’hui et jusqu’à nos velléités d’indépendance s’inséraient dans la trame de notre histoire.

Voilà deux cents ans, disais-je, que nous sommes à la recherche d’une formule de vie : deux siècles que nous ne vivons point une vie normale, aventurés dans la gageure de rebâtir notre vie sans les structures essentielles. Tension aiguë où nous n’avons pas fini de nous épuiser. Peuple conquis, coupé trop jeune de nos racines nourricières, nous essayons de nous adapter à des institutions qui ne nous sont pas connaturelles.

Ici et là, je trouve mon texte parsemé de déclarations telles que celles-ci :