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huitième volume 1950-1967

elle voyage à l’étranger et signifie notre existence. Elle sert donc le prestige canadien-français, soit chez les Anglo-Canadiens, soit à travers le monde entier. » Je sens toutefois qu’il faut à la Revue une direction plus jeune. En cette année 1966, j’avais soigneusement préparé ma démission. Je m’étais même trouvé un successeur qui m’aurait fait oublier et qui aurait pu donner à l’œuvre le stimulant qu’il lui faut en ce nouvel essor qu’elle connaît. La tâche, je l’avoue, commençait à me peser. J’avais trop compté sur l’indulgence des hommes. On prit peur. À qui irait la direction de la Revue ? Faute de connaître mon successeur probable, une opposition s’organisa ; mon collègue, Guy Frégault, est le premier à me blâmer de ce projet de démission. Des historiens anglo-canadiens s’en mêlent. Mon ami G. F. G. Stanley, doyen de la Faculté des arts du Collège militaire de Kingston, aurait même dit : « Je sais qui peut faire vivre la Revue ; je sais aussi qui peut la tuer. » Il me fallut céder à la pression et à 88 ans avancés, accepter une tâche qui me pourrait mener à mes 90 ans.