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huitième volume 1950-1967

prononcé je ne sais combien de fois, trois de ces portraits-conférences : Une petite Québécoise devant l’histoire (Mère Catherine de Saint-Augustin) ; Jeanne Mance ; Une femme de génie au Canada (Mère d’Youville). Une autre figure m’a toujours attiré par ses dons merveilleux et variés : Marie de l’Incarnation. En quelques jours de loisir, j’en crayonne « une esquisse pour un portrait ». Fides m’en fit une belle édition. « L’esquisse » me valut un bel article de Jean Éthier-Blais dans Le Devoir. Écrirai-je autre chose ? Une petite biographie du marquis de la Galissonière[NdÉ 1], peut-être, qu’on ne cesse de me demander.

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Je me dis souvent : pourquoi si longuement m’attarder sur l’histoire de mes ouvrages ? Combien de ces livres échapperont au fatal naufrage qui attend les œuvres de tout écrivain qui écrit trop ? Et comme il paraîtra fastidieux, plus tard, même aux rares amis qui auront gardé mon souvenir, de repérer ces tombes enfouies dans l’herbe ! Je me dis toutefois : j’écris mes Mémoires ; je les écris pour me désennuyer ; je les écris parce que je ne puis guère écrire autre chose et que peut-être on les lira, comme on lit, par hasard, une feuille jaunie de quelque vieille gazette trouvée au fond d’un tiroir. On la lit parce qu’il s’y trouve quand même une minime parcelle d’un passé, si loin, et qui précisément, parce que loin, fait travailler l’esprit, remue quelque cendre en notre mémoire. Qui n’aime réfléchir sur la figure à demi effacée d’une vieille monnaie ? Je me permets une revue de ces livres pour une dernière raison : en certaines de leurs pages, me semble-t-il, ils accrochent à une époque, ils révèlent un moment de notre vie de peuple.

La Revue d’histoire de l’Amérique française

Il ne se peut que je n’en dise un mot. D’aucuns la regardent comme la « grande œuvre » de ma vie. Je ne reviendrai pas sur sa fondation, ses humbles commencements, sa diffusion inattendue.

  1. Parue après la mort de l’auteur, en 1970, aux Presses de l’Université Laval, sous le titre de Roland-Michel Barrin de la Galissonière, 1693-1756.