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huitième volume 1950-1967

vous prie d’ajouter mes hommages personnels à ceux que vous lui offrirez.

Mon admiration pour ce grand historien n’a fait qu’augmenter avec les années, et je me suis toujours réjoui de la moindre rencontre de ses idées et des miennes. Il a découvert qu’on n’est jamais aussi transcendantalement humain que lorsqu’on est complètement façonné par son milieu. On n’atteint à l’universel qu’en passant par la patrie.

Historien dont le patriotisme incandescent n’a jamais ébloui l’objectivité, le Chanoine Groulx n’a peut-être commis qu’une erreur historique : celle de qualifier de dernier l’ouvrage dont nous saluons la parution.

J’espère que le titre si caractéristiquement jeune qu’a choisi le Chanoine Groulx lui sera personnellement prophétique et que nous pourrons tous compter sur lui. Le seul renoncement que je lui demande, c’est de « renoncer à renoncer à écrire ».

Cordialement à vous,
Jean Lesage

Le plus surpris en l’affaire fut bien le destinataire de cette lettre. Je n’avais jamais vu ni même entrevu M. Lesage. Tout au plus, mon ami Maxime Raymond, au temps de sa députation à Ottawa, m’avait-il quelquefois parlé de ce jeune Lesage, travailleur, qui faisait excellente figure au parlement fédéral. Ah ! mon cher ami Raymond, quel étonnement n’eût pas été le vôtre à la lecture de cette lettre ? Enfin, après tant de méfiances, tant de dénonciations de mon nationalisme, le monde politique accordait son absolution au brandon de discorde, à celui-là qu’on avait toujours représenté aux Anglo-Canadiens comme un farouche anglophobe. Longtemps, ce soir-là, rentré à l’Hôtel-Dieu, la tête collée à mon oreiller, je réfléchis aux retournements des choses ici-bas et à l’évolution de l’esprit des hommes.