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septième volume 1940-1950
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ment d’Ottawa. N’y aurait-il pas lieu de s’y opposer ? La réponse de l’Archevêque se fait on ne peut plus catégorique, me rapportent mes deux amis : « Il y a des misères à soulager ; peu m’importe d’où l’argent viendra. » Il ne lui vient pas à l’esprit qu’on puisse obtenir le même argent par des voies plus constitutionnelles.

Ainsi vogue l’esprit de l’Archevêque, déconcertant parfois ses meilleurs amis. Où ces divagations vont-elles le conduire ? On sera peut-être surpris que deux hommes au moins, et longtemps auparavant, ont prévu le terrible dénouement. Dès la nomination de Mgr Charbonneau à Hearst, — je tiens le propos du Père Lévi Côté, o.m.i., — M. l’abbé Raymond, curé de Bourget, et l’un des chefs de la résistance ontarienne au Règlement XVII, se serait écrié au su de la nouvelle : « C’est un malheur ! Un suprême malheur ! Cet homme-là finira dans un drame ! » Un soir que je cause en son presbytère avec Mgr Myrand et que je lui fais part de ce qui tout de même se passe de bon à Montréal, Mgr Myrand me laisse parler, puis, tout à coup, ses petits yeux gris à demi fermés, me dit lentement : « Attends, attends ! Un jour le “grand jeune homme” — c’était le nom favori qu’il donnait à Mgr Charbonneau — prendra une tangente et rien ni personne ne l’arrêteront. Et Dieu sait comment tout cela finira ! »

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Nous voici à la fin de cette analyse. Une dernière question reste à résoudre : qui, en définitive, aurait assené le coup suprême à l’Archevêque de Montréal ? Nul autre que lui-même, aurais-je envie de répondre tout de suite. L’homme a été victime, victime fatale de son tempérament, de son esprit mal équilibré, d’une tâche disproportionnée à ses moyens. Tâche qui l’a écrasé de plus en plus. Tempérament, déséquilibre psychologique qui ne pouvaient que s’aggraver avec le temps. Mais qui donc a mis en branle les autorités, les influences qui devaient provoquer un dénouement aussi grave que celui de la déposition d’un Archevêque de Montréal ? Des journalistes plus en mal de sensation que