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prestige de ses diocésains de langue française à Montréal, dans le monde des affaires et de la finance. Et ce manque de prestige, il l’attribue — ce qui est assez vieillot — à l’ignorance de l’anglais de ses compatriotes. « Leur grande misère est de n’être point des bilingues. » Donc ferme résolution de l’Archevêque, dans la mesure où il le pourra : introduction du bilinguisme dans tout l’enseignement en son diocèse, bilinguisme intégral, total. Ses écoles, collèges, ses couvents deviendront bilingues. L’Université de Montréal aussi. Avec l’assentiment de Mgr McShane, curé de Saint-Patrick et l’un des chefs du groupe irlandais, Loyola disparaîtra ; l’Université de Montréal accueillera les étudiants de Loyola ; mais il lui faudra se réformer, s’aménager à cet effet, donner des cours bilingues et se donner, en toutes les facultés, des professeurs bilingues… Faut-il souligner ce qu’auraient pu être, dans le monde québecois, les répercussions d’une aussi grave orientation de notre système d’enseignement ? « Voilà, de me dire Mgr Myrand, les derniers plans de votre Archevêque. Et il paraît bien résolu à y donner suite. »

Qu’y avait-il de fondé en cet autre projet de Mgr Charbonneau ? N’était-ce chez lui qu’une ébullition passagère ? Il paraît certain que, dans le cerveau du pauvre Archevêque, les idées, à cette époque, naissent, s’opposent, se culbutent dans un désordre absolu, au rythme de ses impulsions. En son esprit, les déclarations les plus nationalistes voisinent le plus familièrement du monde avec les pires contradictions. Au 75e anniversaire de la Maison Dupuis Frères, je l’entends prononcer sur le nationalisme économique, le discours le plus enflammé que j’aie jamais ouï. On se rappellera son discours lors de mon investiture au canonicat. Cependant cet Archevêque aux discours volontiers nationalistes est aussi le premier Archevêque de Montréal qui s’est donné un auxiliaire de langue anglaise et qui, en plus, fait bon marché de l’autonomie québécoise. Esdras Minville, François-Albert Angers, inquiets des empiétements du gouvernement fédéral dans le domaine social, s’en vont un jour le consulter, à propos des pensions de vieillesse et des allocations familiales offertes par le gouverne-