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septième volume 1940-1950

au monde moderne ; en définitive il s’est mué en un capitalisme réformé, mitigé, nullement à craindre. Le mois précédent, j’avais lu un numéro spécial de L’Action nationale entièrement consacré au communisme. Certaine évolution du régime, dans le domaine économique, ne paraissait pas niable. Un venin y demeurait toujours : venin du marxisme, de l’athéisme militant, sans compter la propagande révolutionnaire à travers le monde et l’affreux mépris toujours persistant de la personne humaine, relent hérité du vieux paganisme. Ce numéro spécial contient même, de Me Maximilien Caron, un parallèle entre le marxisme russe et la CCF où s’affirme une parenté dangereuse. À table, je suis le deuxième voisin de l’Archevêque. J’ose interrompre sa tirade grandiloquente et lui pose la question :

— Vous avez sans doute lu, Excellence, le récent numéro de L’Action nationale sur le communisme ?

Un peu gêné, il me répond avec aplomb quand même :

— Oui.

L’avait-il vraiment lu ? Et s’il l’avait lu, aurait-il parlé comme il osait le faire ?

Un autre jour, ce doit être beaucoup plus tard, je reçois un coup de fil de Mgr Myrand, de passage à Montréal :

— Viens me voir au plus tôt, avant mon départ pour Québec ; je suis à l’Hôtel Windsor, chambre no x.

— Mais je garde la chambre, cher Monseigneur ; je garde la chambre ; je suis grippé.

— Emmitoufle-toi de ton mieux ; prends un taxi. Et viens. J’ai une communication pressante à te faire.

Et Mgr Myrand de me raconter une conversation toute récente de l’Archevêque de Montréal avec un très haut personnage laïque dont Monseigneur se refuse à me révéler le nom. En substance l’Archevêque se serait plaint du manque d’autorité et de