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septième volume 1940-1950

d’École normale supérieure, on s’en souviendra, l’Archevêque m’avait dit : « Soumettez-moi deux noms de prêtres qui pourraient assumer la direction de la grande École. » En tout premier lieu, je lui ai proposé le nom de l’abbé Perrier, homme inutilisé, avais-je appuyé. Un soir de 1940, peu de temps après l’arrivée de l’Archevêque à Montréal, les journaux annoncent la nomination de l’abbé Perrier au poste de grand vicaire. « Du coup, me dit, en termes de Bourse, un excellent laïc, les actions de Mgr Charbonneau ont monté de 75 %. »

Période euphorique ! Que n’a-t-elle plus longtemps duré ! Que manque-t-il au nouvel archevêque ? En peu de temps, il se révèle piètre administrateur. On eût dit qu’il voulait administrer l’immense diocèse de Montréal, comme il avait administré son minuscule diocèse de Hearst. La multiplicité et la complexité des problèmes paraissent le déborder. À la vérité trop de ces problèmes, laissés en plan par ses prédécesseurs, hommes malades, attendent tous à la fois une prompte solution. L’Archevêque ne sait même pas s’organiser un secrétariat. Sa correspondance s’entasse dans les bureaux, reste trop souvent sans réponse. Un secrétariat, en sent-il même le besoin ? Un curé de ses amis, m’a-t-on raconté, lui aurait dit un jour : « Pourquoi ne point vous attacher deux jeunes prêtres, bons dactylos, qui vous aideraient en l’expédition de votre correspondance ? » Le prélat aurait répondu péremptoirement : « Personne ne mettra jamais le nez dans mes affaires ! » À l’Archevêché, tout marche au petit bonheur. Nulle distribution des tâches ; nulle direction venant d’en haut ; chacun y va de sa seule initiative. Un curé de Montréal, Mgr Arthur Deschênes, aujourd’hui curé de Saint-Stanislas, et mon ancien voisin de table au presbytère de l’abbé Perrier, l’un des rares prêtres que Mgr Charbonneau invite à venir causer avec lui à l’Archevêché, me confie, presque au lendemain du tragique départ : « Il avait nommé Mgr Perrier grand vicaire ; mais il ne lui avait assigné aucune besogne et il ne le consultait guère. » On imagine un peu les