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septième volume 1940-1950

Jeunesse universitaire

D’autres occasions me seraient fournies de rencontrer la jeunesse étudiante : celle de l’Université, celle-là même que, plus que toute autre, et je n’ai plus à dire pour quel motif, je désirais atteindre. Dans l’un de mes spicilèges, je retrouve les notes assez développées d’une conférence que j’aurai faite à la jeunesse universitaire, en avril 1939. Qui m’avait invité ? Devant quel groupe ai-je parlé ? À plus de vingt ans en arrière, j’avoue ne plus me rappeler en quelles circonstances j’abordai cet auditoire. Mais je viens de relire mes notes (39 petites pages). Et je le confesse sans modestie : ces notes m’ont apporté presque une révélation : celle d’une véritable petite Somme. En réalité, ai-je souvent ramassé plus de notions, plus de considérations sur l’être canadien-français, sur nos périls, nos devoirs, notre situation dans tous les domaines, sur les ressources, malgré tout, à notre disposition : ressources de la culture française, de notre catholicisme, de notre histoire… ? Tout ce que j’ai prêché pendant une époque, tout ce que je portais en moi de brûlantes convictions, d’inquiétudes souvent angoissantes, tout ce que je nourrissais quand même d’espoir dans la ressaisie d’une génération, tous les appels que je pouvais lui adresser, je les ai trouvés là, dans ces notes qui n’ont rien perdu de leur modernité, et qu’une autre jeunesse pourrait encore entendre. Mais comment ces paroles et tout cet enseignement pourtant pressant se sont-ils envolés dans le vent ? Hélas, quelles réflexions les pauvres que nous sommes se pourraient faire sur la vanité de la parole humaine ! Et quelles autres sur la lenteur des idées à germer, même les plus vitales, les plus opportunes !

Cette conférence est de 1939. Était-ce la première ébauche d’une autre que je donnerais deux ans plus tard à la même jeunesse et qui s’appellera : Paroles à des étudiants ? Celle-ci m’a laissé de bien agréables souvenirs. Je ne me défends point de m’y attarder un peu. Qui avait eu l’idée de cette causerie ou plutôt de cette rencontre ? Un jeune étudiant qui fréquentait chez moi depuis quelque temps. Esprit d’élite, appelé à devenir un grand savant en médecine, tous les problèmes de notre vie, de notre avenir, l’intéressaient, le passionnaient. Il s’efforçait de multiplier les rapprochements, les rencontres entre ses jeunes amis de l’Université et ceux qu’il estimait les représentants atti-