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septième volume 1940-1950

jours après : « À l’Archevêché nous avons été assommés par une tempête de téléphones et les lettres de protestations nous sont tombées dessus en avalanche. » Parmi ces lettres, il y avait la mienne. Le 30 octobre 1942, j’écrivais en effet à l’archevêque :

Je ne vous apprends point que les discours et gestes du Major abbé S… font gloser plus qu’il ne faut dans tous les milieux, et, le plus souvent, de façon fort amère. Si nos guerriers en collet romain savaient davantage quelle peine nous avons, de ce temps-ci, à contenir, parmi les nôtres, une violente crise d’anticléricalisme, il me semble que ces Messieurs se montreraient un peu plus discrets… Notre peuple admet que le clergé lui rappelle son devoir, en ce temps de guerre ; il ne comprend pas que des ecclésiastiques se fassent les propagandistes véhéments, provocateurs, de la politique de guerre du gouvernement, et nous prêchent, par surcroît, l’abrutissement colonial, et même, de façon assez ouverte, la conscription pour outre-mer. À la vérité, sommes-nous bien là dans notre rôle d’hommes d’Église ? Et avons-nous beaucoup à gagner à exaspérer, de tant de manières, les sentiments de la jeunesse ?

Pardonnez-moi, Excellence, de vous écrire ces choses. Je crois remplir un devoir. Je suis vraiment effrayé du sentiment d’hostilité que, par les temps qui courent, je sens grandir, et dans tous les milieux, contre le clergé.

Le 4 novembre, Son Excellence me faisait répondre par son grand vicaire, Mgr Paul Touchette :

Monseigneur a reçu votre lettre et me prie de vous dire qu’il a fait venir l’abbé S… tout de suite après son fameux discours à l’assemblée de Montréal-Est.

Dorénavant M. l’abbé restera dans son rôle d’aumônier et ne devra toucher aux questions de politique provinciale, nationale ou internationale !

Il me fallait, pour ce qui va suivre, ce début peut-être un peu long. Rien donc en moi de la moindre amertume contre mon ancien Archevêque. Si j’écris les pages qu’on va lire, on voudra bien