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septième volume 1940-1950

[alors aumônier de la JOC] continue de parler intégrisme et il l’a prié de vouloir bien comprendre que nous ne pouvons pas, gens d’église, expulser de nos programmes d’éducation la formation patriotique. Il se demande si le mot nationalisme ne devrait pas être sacrifié comme mis à trop de sauces suspectes. Mais il pense que sous le mot éducation du patriotisme, nous avons à maintenir tout ce que notre vrai et traditionnel sentiment national comporte. Mgr Ross se sent crispé devant ces mises en question et se demande si cela ne va pas finir une bonne fois. J’espère bien que le Cardinal saisira quelqu’autre occasion de se prononcer. Je vais essayer de l’y amener, ne serait-ce que pour obtenir que ces philosophes en chambre n’aggravent pas nos misères. À tout prendre, il est mieux que Mgr G.[authier] ait laissé discuter ces choses et ne se soit pas imposé tout de suite d’autorité. Tu vois donc que tu peux être tranquille. Ton archevêque n’est pas à la veille de te bâillonner.

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J’appris sa mort à Paris en 1950. Il souffrait du cœur depuis longtemps. Deux vastes incendies qui avaient détruit en quelques mois un quartier de la ville de Rimouski, menacé sa cathédrale, et presque détruit Cabano, l’un des villages de ses terres de colonisation, lui avaient porté un dur coup. « Châtiment de la Providence ! » s’étaient empressées de proférer les mauvaises langues qui le tenaient responsable de la déposition récente de l’Archevêque de Montréal. Vieilles femmes qui croient aux gazettes. À ceux qui le transportaient à l’hôpital, le mourant dira : « Pourquoi pleurez-vous ? Vous savez bien que je m’en vais vers mon Père ! » Il pouvait y aller avec confiance. Il mourait à une heure où, dans son clergé, l’unanimité s’était faite autour de lui, surtout parmi les jeunes. « Ceux de ma génération, m’écrit l’un d’eux, nous l’avons aimé, admiré à cent pour cent. Nous lui avons obéi avec notre cœur, notre intelligence… Ses paroles, son intelligence nous dominaient tous de cent coudées… Nous étions fiers de son rayonnement extérieur. »

Que de fois, en nos misères de ces derniers temps, où les Canadiens français se sont mis à construire leur petite Babel, que de fois, dis-je, aurai-je regretté l’absence de ces hommes tels que Mgr Perrier, Mgr Paquet, Mgr Courchesne, Mgr Desran-