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mes mémoires
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Verreault, aumônier de l’Association canadienne-française de l’Ontario, me dit : « Vous avez de l’influence auprès de l’ancien “Petit Père Villeneuve” ; n’allez-vous pas lui dire qu’il pourrait sortir de sa neutralité, dégainer de temps à autre ? Maintenant que le voici cardinal, qui peut-il craindre ? » La guerre de 1939 s’en vient qui va gravement troubler le nouveau Cardinal. La guerre, surtout nos guerres mondiales, épreuve suprême pour l’épiscopat de tous les mondes. On dirait que les évêques ont de la peine à s’arracher de l’esprit l’image d’un pape Jules II, le pape à cheval, guerroyant comme tout bon paladin. Détruire dans l’Église l’unité de sentiment est pourtant chose dangereuse, quand l’unité de pensée lui est si difficile. Pourquoi ne pas s’en tenir à la neutralité au moins officielle du Pontife suprême de l’Église ? Je me le demande humblement : les évêques ne devraient-ils pas être plus que personne, des hommes de paix, eux les ministres du Roi de la paix ? Les évêques ne seraient pas nécessairement d’un côté ou de l’autre ; ils ne prêcheraient ni ne pécheraient contre le patriotisme ; ils se tiendraient au-dessus. Et l’on épargnerait au monde le triste et ruineux spectacle de ces épiscopats qui, des deux côtés de la ligne de feu, vocifèrent, si même ils ne s’injurient. On se rappelle le parti que choisit le cardinal Villeneuve. Quoi donc le fit pencher du côté de la guerre et avec la fougue que l’on sait ? Mystère encore mal éclairci. Attitude qui suscita de la stupeur chez tous ceux qui l’avaient suivi et aimé et même et surtout parmi ses frères et ses contemporains en religion. Que de fois amis et contemporains m’ont posé l’embarrassante question : « Vous qui connaissez de près le Cardinal, que pensez-vous de son évolution ? » Hélas, depuis l’été de 1941, je ne connaissais plus de si près mon ancien et grand ami. Pour expliquer son évolution, que d’hypothèses explicatives n’a-t-on pas mises de l’avant ! Pour mon ami Antonio Perrault, un seul homme aurait pu retenir le Cardinal, Mgr Georges Gauthier, évêque-administrateur de Montréal. Hélas, l’ami Perrault se trompait de date ; Mgr Gauthier vivait encore lorsque le Cardi-