Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
mes mémoires

si bien qu’aujourd’hui en 1963, aucune association puissante, pas même l’Action catholique, n’a pu encore regrouper les meilleurs éléments de la jeunesse canadienne-française. La nation manquera d’une école comme celle de 1904 où former une élite pour l’action temporelle, nationale, politique, économique, sociale, culturelle et même catholique au vrai et beau sens du mot. De la part de nos chefs religieux ce fut une erreur qui n’a pas fini de produire ses mauvais fruits. Comment le petit Cardinal si clairvoyant avait-il commis ce mauvais pas ? Pourtant il ne partageait point sur certaine formule radicale d’Action catholique, l’opinion de quelques extrémistes, plus férus d’angélisme que de bon sens. C’est lui, en effet, qui m’écrit, en janvier 1936 :

La controverse Action catholique et Action nationale m’a, en effet, rejoint en France et en Italie. J’ai bien vu qu’en tout cela, il y avait beaucoup d’équivoque et pas mal de personnalités ou du congrégationnisme. Je reprendrai peut-être quelque jour le sujet. À mon sens, on ne saurait isoler les deux actions, mais il faut les subordonner. Les subordonner dans leur valeur abstraite d’abord, les subordonner aussi dans leurs organes. Ce qui n’empêche point qu’il puisse y avoir des organisations formelles distinctes. Mais les groupements d’action nationale devront s’inspirer profondément des directives catholiques et d’une vie intérieure la plus catholique au monde ; et les groupements d’Action catholique ne devront point, non plus, se défendre de toute influence sociale, nationale, etc. Ils pourront même, en une certaine mesure, se livrer subsidiairement à certaine action nationale. Mais puisqu’en effet celle-ci devient de plus en plus mêlée au politique, il n’est pas mal qu’il y ait des groupements d’action nationale distincts, par exemple des jeunesses nationales, patriotes, etc., lesquels cependant, encore une fois, vivent un catholicisme profond et en pénètrent la nation.

Le Cardinal n’en pose pas moins un autre geste aussi discutable. Nous avions essayé d’emprunter au scoutisme une bonne part de ses méthodes d’éducation. On l’a vu en un autre volume de ces Mémoires[NdÉ 1], le premier responsable ou coupable n’était autre que l’auteur de ces Mémoires. Mais nous voulons alors d’un scoutisme qui soit nôtre, conforme à nos traditions.

  1. Voir Mes Mémoires, II : 320-325.