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MES DERNIÈRES RELATIONS
AVEC LE CARDINAL VILLENEUVE

Je n’aborde ce chapitre de mes Mémoires qu’avec beaucoup de mélancolie : mélancolie que l’on éprouve au souvenir des grandes amitiés brisées. En ma vie, j’ai compté ma bonne part de ces brisures. Nulle ne m’a laissé trace plus profonde ni plus amère que cette amitié-là qui fut si longue et que j’avais crue imbrisable.

Entre nous deux, nos bonnes relations se maintiennent pendant longtemps. Il veut toujours rester pour moi, et il y tient, le « Petit Père Villeneuve ». Aussi loin qu’en 1930, pour me réconforter contre un petit accès de pessimisme, il m’adresse ces lignes de grande amitié : « Je crois bien tout de même qu’un certain ferment est en travail et qu’il fera lever la masse. En tout cas vous aurez fait votre belle part pour l’activer… Si, à de certaines heures, vous songez que votre vie s’avance, et que tous vos rêves n’entrent point dans la réalité, rassurez-vous tout de même. Vous avez mis en branle des forces qui ne s’arrêtent point. » Un jour, il n’est pas encore évêque, il me prie de corriger le manuscrit d’un petit livre qu’il va publier : L’un des vôtres. Je taille audacieusement dans sa prose. Loin de s’en offenser, il me prie d’y aller avec encore plus de franchise :

« À la vérité, m’écrit-il le 24 juillet 1927, je suis… confus de vous avoir présenté un texte aussi touffu et négligé. Je le sentais, j’attendais qu’on vînt me fouetter un peu pour me remettre