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mes mémoires

« propose au monde du capitalisme et au monde ouvrier les solutions les plus hardies et les plus saines ». En quoi, insistais-je, cette sociologie serait-elle incapable de satisfaire aux plus exigeantes aspirations des classes ouvrières d’aujourd’hui, et surtout des jeunes ouvriers ? Et, sans répugnance pour les réformes les plus osées, je leur disais encore :

Un seul régime de travail leur [les jeunes ouvriers] semblerait-il digne de leur condition d’hommes et de citoyens, je veux dire le régime qui leur donnerait accès à la propriété, qui leur ferait leur part dans la direction des entreprises ; régime où n’étant plus de simples pensionnés de la civilisation bourgeoise, mais où fournissant à l’économie de leur pays autre chose que la contribution de leur force physique, où, conscients d’être plus qu’une machine et plus qu’un outil, ils pourraient se croire des producteurs comme les autres, des constructeurs comme les autres de l’économie nationale, bâtissant et dirigeant eux-mêmes leur vie, élevant leur famille dans la sécurité et la joie ? Leurs aspirations s’élèveraient-elles jusqu’au désir de se sentir, comme tout le monde, ou comme l’élite de leurs compatriotes, chargés de l’avenir d’une foi, héritiers de la civilisation ancestrale ? En ce cas, à ces jeunes ouvriers canadiens-français, guettés par des influences malsaines, est-il impossible d’apprendre qu’une sociologie existe qui a placé plus haut que toute autre la liberté et la dignité de l’homme, les droits sacrés de la famille… de leur montrer qu’à l’heure qu’il est, c’est encore elle qui propose au monde du capitalisme et au monde ouvrier les solutions les plus hardies et les plus saines ? Et que cette sociologie n’est autre que la sociologie des pontifes romains, la sociologie catholique ?

Mon Message pouvait donc se terminer comme suit :

Allez dire à vos camarades des ateliers et des usines ce que l’Église veut et peut pour eux. Allez le dire avec des convictions de conquérants. Car j’incline à croire que si, chez nous, le communisme et autres philosophies perverses gagnent du terrain, la faute en pourrait bien être aux catholiques qui ne savent pas égaler la puissance de leur propagande à la valeur transcendante de leur doctrine sociale.

Quelques menus conseils suivaient, conseils que je voudrais adresser aujourd’hui à tous mes jeunes contemporains, s’ils écoutaient encore les vieillards :