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septième volume 1940-1950

Puis l’année suivante, soit en 1913, j’écrivais, au jour le jour, pour l’Écho du bazar, petite feuille éphémère publiée et vendue au cours d’un bazar au profit des Sœurs de la Providence de la petite ville où je me trouvais alors, une Petite Histoire de Salaberry de Valleyfield, étude assez superficielle, parue à la Librairie Beauchemin, Montréal, 1913, en une brochure de 31 pages, qui fut publiée, sans doute, à l’instigation de ces chaleureux et imprudents amis qu’on trouve sur son chemin, et pas toujours par hasard, quand on veut s’excuser de publier quelque chose qu’il vaudrait mieux garder dans ses tiroirs.

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Le contact définitif avec l’Histoire s’accomplit en 1915, alors que je quitte Valleyfield pour m’en venir à Montréal. C’est un incident assez connu de mes amis. Je vous en fais grâce. De mon accession à la chaire d’Histoire du Canada, je tiens d’ailleurs responsable, après M. Henri Bourassa, mon petit manuel de Valleyfield qui assurément, en sa parfaite innocence, ne s’en doutait guère. Menus faits, du reste, qu’à propos du rôle de M. Bourassa en cette affaire, je raconte et vous invite à lire dans la livraison de décembre de la Revue d’Histoire de l’Amérique française.

J’aime mieux vous dire les difficultés ou épreuves que devait affronter en 1915, un professeur à qui l’on imposait de relever une chaire tombée en déshérence, dans nos universités françaises, depuis cinquante ans, soit depuis les jours lointains de l’abbé Ferland et qui aurait à opérer cette relève pratiquement sans salaire, professeur au surplus d’une Faculté des Lettres encore inorganique elle-même, sans budget ou qui n’en avait que pour son professeur de littérature d’ailleurs payé par Saint-Sulpice ; professeur d’histoire qui aurait encore à se faire un auditoire pour cours publics, puisqu’il faut bien savoir qu’avant 1920 il n’existait, à notre Faculté des Lettres sur papier, ni cours privés ni étudiants en histoire.

Ce professeur d’une faculté sans budget et sans étudiants aurait donc à opérer un premier miracle : se constituer les deux instruments de travail indispensables pour un historien : une documentation ou des archives, et une bibliothèque. Une documentation ! Pour peu que l’on aborde l’histoire générale du Canada, cela veut dire aller se documenter aux grands dépôts d’Archives : à Ottawa et à Québec, à moins que ce ne soit à Paris, à Londres, ou à Washington, accomplir ce travail sans