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mes mémoires 1940-1950

Côté<. M. Côté, avant d’être ministre, me manifestait presque de l’amitié. S’il m’apercevait sur la rue, il me faisait monter dans sa voiture pour me ramener chez moi. Il me donne rendez-vous à sa résidence d’Outremont, chemin Sainte-Catherine. M. le Ministre me reçoit, avec une grande amabilité, presque avec pompe. Il fait même venir son jeune fils, enfant d’une dizaine d’années, me priant de le bénir ; il entend que l’enfant garde un souvenir impérissable de cette rencontre et de cette bénédiction. Et j’expose le sujet de ma visite.

— Si je vous offrais un chèque de $500, cela vous aiderait-il ? me répond M. le Ministre, spontanément.

— Assurément, M. le Ministre ; mais je ne puis vous cacher que la seule impression de notre première livraison nous coûtera au moins mille dollars.

— Oui… je vais examiner mon budget. Et je vous dirai si je puis faire davantage.

Et l’inévitable question suit :

— Où ferez-vous imprimer ?

Je songeais alors à l’imprimerie du Devoir et à celle de Thérien Frères. En parfait devin ou diplomate, je réponds :

— Chez Thérien !

— Magnifique ! s’exclame M. le Ministre qui m’avoue, ce que j’ignorais, en être à tu et à toi, avec son ami Thérien.

Pour le coup je me crus quelque chose du flair divinatoire du parfait diplomate de carrière. Et j’attendis le chèque qui me devait arriver la semaine suivante.

Et la semaine passa et j’attendis.