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mes mémoires

pas même des catholiques. » Notre jeunesse est restée sans une élite qui y aurait tenu le rôle du ferment.

Jeunesses laurentiennes

Vers 1940 le mal ne paraît pas encore visible à tous. Il se trahit peut-être dans l’impuissance de l’AJC à se reconstituer. Il apparaît aussi dans la faillite des regroupements que tente la jeunesse : Jeunesses patriotes, Jeunesses laurentiennes. Mais l’on est inquiet, on cherche des formules de vie, d’action. Et c’est pourquoi, sans doute, devant la carence de nouveaux chefs, on vient vers les hommes d’hier. La jeunesse continue, ce me semble, de me faire confiance, une confiance qui souvent m’émeut. Je suis de ceux qu’elle interroge, à qui elle demande le secret de l’avenir. Je lui réponds volontiers. Si redoutables que m’aient toujours paru les auditoires de jeunes, je les affronte, les trouvant si réceptifs. Et puis-je échapper à la réflexion angoissante et banale que les jeunes générations nous apprennent, par ce qui se passe en elles, de quoi demain sera fait ?

Je vais un peu à tous les groupes. Pendant plusieurs années, je serai l’aumônier officiel des « Jeunesses laurentiennes », association d’anciens d’école primaire, jeunesses merveilleusement éveillées. J’admire leur sens pratique. Ces jeunes n’ont rien du rêveur. Ils cherchent des tâches à leur mesure, mais ils les cherchent. Les aider à se définir, je l’ai tenté un jour. Et c’est à eux, je crois bien, que j’aurai adressé le Message le plus grave, le plus substantiel peut-être — l’on a toutes sortes d’illusions — que j’aie destiné à la jeunesse. C’était au printemps de 1946. Mes amis fêtaient alors le trentième anniversaire de mon enseignement à l’Université de Montréal. Les Jeunesses laurentiennes y allèrent aussi de leur célébration qui prit la forme d’un banquet au Cercle universitaire de Montréal. Je ne citerai que quelques extraits de ce Message. Le Devoir le publia en entier les 4 et 5 mars 1946 et il fut mis en brochure. Je cite pourtant le début où je confesse ce qui me plaît en cette jeunesse, si proche du peuple.

Ai-je besoin de vous assurer que je me sens un peu en famille au milieu des Jeunesses laurentiennes ? Je n’ai pas oublié ce soir où quatre d’entre vous m’apportiez vos constitutions alors à l’état d’ébauche. Depuis ce premier contact vos jeunesses me sont