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mes mémoires 1940-1950

coup sûr, quelques confidences. Et, par exemple, par quels attraits l’histoire m’avait conquis, comment l’avais-je conçue ? J’atteignais la fin de ma carrière ; que ferais-je de tous mes cours, de toutes mes écritures ? Avais-je des projets d’avenir ? Je transcris encore quelques extraits de ce discours et d’abord ceux-là où je révèle, une fois de plus, sans doute, par quels attraits puissants l’histoire canadienne m’avait saisi, passionné, et par lesquels de ses aspects. « Cela remonte, avouais-je, à l’époque lointaine de mon enseignement à Valleyfield. Dégoûté des manuels du temps, je m’essayais à rédiger un manuel moins méprisable pour mes collégiens. Manière alors comme une autre d’apprendre ce qu’on ne savait pas. Avais-je besoin d’une intuition de génie pour discerner que notre histoire est, au premier chef, l’histoire d’un peuple catholique ? Premier trait ou caractère qui m’a paru et qui me paraît encore un trait de noblesse au Canada, tout autant qu’un trait d’originalité. Si nous tenons notre catholicisme pour un ferment de quelque valeur dans la pâte humaine, il ne se peut qu’un peuple qui l’a admis joyeusement dans sa vie, qui l’a laissé libre d’agir, qui a pu lui opposer parfois, je le veux bien, le vieux levain de sa chair, mais qui n’a jamais ni rejeté, ni trahi sa foi et qui, pour la garder, a consenti même quelques sacrifices ; il ne se peut, dis-je, que le passé d’un tel peuple, que sa vie intime et publique, ses institutions, ses traditions ne soient marquées de quelque grandeur, et qu’une histoire bâtie à l’échelle de la foi catholique ressemble totalement aux autres. »

Et cet aspect, j’y reviens, parce que peu souvent, ce me semble, je l’aurai mis en relief. Cet autre aspect m’avait séduit. « Cette histoire catholique, continuais-je, ne pouvait non plus manquer de m’apparaître, et sans que j’y eusse grand mérite, comme une histoire française. Et voici bien, et dans l’histoire du Canada et dans l’histoire des Amériques, et dans l’histoire générale des colonies, un autre trait d’originalité. La France aura étonné le monde par son expansion intellectuelle, par la puissance propulsive de sa pensée. Il y eut un siècle où l’on put dire qu’elle avait conquis l’Europe à sa langue et à sa culture. Aujourd’hui encore, une royauté reste à la France républicaine, malgré qu’elle en ait, la royauté de son esprit. Chose indéniable néanmoins, ce peuple