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mes mémoires 1940-1950

historique » au Canada français. Et il termine par cette dernière affirmation :

Parce qu’il a orienté ses recherches dans une certaine direction qu’il décrivait, au début de sa carrière, comme « la route peut-être la plus longue, mais la plus sûre, vers les causes historiques souveraines », notre maître, le chanoine Groulx, a produit une œuvre grandiose, contemplée avec audace, édifiée avec science ; une œuvre de haut style et de grande droiture, dont les lignes élégantes et sévères se profilent nettement au-dessus de notre littérature, comme la croix blanche sur le bleu royal de notre drapeau.

Aujourd’hui, en l’année 1962, Guy Frégault écrirait-il les mêmes lignes ? Il se peut que non. Et il aurait sans doute raison. Après 1946, même resté imberbe, le jeune historien avait, comme l’on dit, pris du poil au menton. Encore qu’il me donnât du « cher maître », le disciple était devenu maître à son tour. Il n’empêche qu’à l’époque son apologie venait fort à point.

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J’ai gardé pour la fin l’une de ces manifestations. Et je lui assigne ce rang, non seulement pour sa particulière solennité, mais pour l’engagement que j’y ai pris et qui aurait, sur le reste de ma vie d’historien, des suites que je puis dire considérables. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a déclenché ce rappel d’un 30e anniversaire d’enseignement. Elle se réserve d’y fournir sa part à l’occasion de la fête nationale du 24 juin 1946. Elle fait les choses royalement. Le programme de son banquet du soir à l’Hôtel Windsor porte en dédicace : « Au plus vivant historien du Canada français ». Des discours prononcés, ce soir-là, on me permettra de ne rien dire, même de la généreuse présentation d’Esdras Minville. Je souhaiterais, pour ma part, résumer et très brièvement mon discours, ne serait-ce le devoir de gratitude que l’occasion me permet d’accomplir. Il est des heures, dans la vie, où l’on est forcé, dirais-je, de s’inventorier. Peut-être a-t-on pu accomplir une œuvre quelconque. Mais qui nous a permis de l’accomplir ? Que serions-nous, sans ceux-là que la Providence a mis sur notre chemin et qui nous ont donné les petites et les grandes poussées, se sont mêlés à notre existence,