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septième volume 1940-1950

liens m’attachent à cette jeunesse. Elle appartient à la petite classe moyenne, classe de petits commis, de petits employés, mais qui me charme par le réalisme de sa foi et de son action, et par un extraordinaire dévouement aux idées maîtresses de son groupement. J’en suis devenu l’aumônier attitré. Et ça n’a pas été sans peine. Ces jeunes garçons et jeunes filles ne s’étaient pas laissés embrigader dans l’Action catholique de ce temps-là, qu’ils estimaient trop « détemporalisée ». À l’Archevêché, on leur a d’abord refusé un aumônier. Je dus intervenir et tenir, en ce haut lieu, à peu près ce langage : « La jeunesse nous échappe. En voici une qui vient à nous et qui nous demande un conseiller, un prêtre. Elle est toute proche du peuple. Commettrons-nous la maladresse de lui opposer un refus ? »

Les Jeunesses laurentiennes entendent fêter leur aumônier. Et comme elles ne manquent ni de hardiesse ni même de cran, c’est au Cercle universitaire de Montréal et à un banquet qu’elles se donnent rendez-vous, et convient leurs amis le 28 février 1946. On a pu lire, au début de ce volume, quelques extraits du discours que je prononçai ce soir-là. N’y revenons pas. La pièce de résistance, un autre que moi la sert à l’auditoire : mon jeune assistant à l’Université, hier un de mes étudiants à la Faculté des lettres, Guy Frégault. On parlerait pour ce coup d’apologie et le mot ne serait pas trop fort. Apologie de ma conception de l’histoire en général, de ma conception de l’histoire canadienne ; plaidoyer pour l’aspect souvent héroïque du passé des ancêtres, pour le rôle de l’histoire, maîtresse de vie, pour le droit d’en tirer les leçons qu’elle nous jette à l’esprit. « Diminuer l’histoire… c’est manquer de réalisme tout autant que de créer des mythes. Il est aussi erroné de concevoir trop petit que de concevoir trop grand. » Enfin le jeune historien me décerne le mérite d’une « renaissance de la culture