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Entre toutes ces manifestations de gratitude et d’amitié, il y aurait peut-être lieu de rappeler celle du « Bon parler français » où l’ami Jules Massé joint à un banquet une émission spéciale au poste CKAC. Deux autres de ces manifestations m’ont laissé les souvenirs les plus émouvants : celle de Shawinigan et celle des Jeunesses laurentiennes. À Shawinigan, il y a dans l’air de quoi me prendre moi-même pour un héros de légende ou un politicien victorieux : réception municipale, signature dans le Livre d’or, banquet, force discours, et dans l’après-midi, dévoilement d’une plaque-souvenir, à l’École supérieure de l’Immaculée-Conception ; le soir, conférence, mais avant la conférence, présentation de cadeaux de la part des Cercles de Fermières du Christ-Roi, de Saint-Marc, d’Almaville, de la baie de Shawinigan, jolis petits objets d’artisanat à me charger plus que les bras : peintures, coussins, horloge en bois sculpté figurant une roue de pilote, nappe de lin, volume relié, etc. Tout le monde est sur pied : officiels et autres. Et ce qui frappe et m’émeut, en cette manifestation, c’est la ferveur, la sympathie joyeuse de toutes ces petites gens du peuple qui, pour la plupart, me voient et que je vois moi-même pour la première fois. Sans doute, à l’école ou par leurs journaux, ont-ils appris quelque chose de leur histoire, entendu quelques bribes de ce que j’appellerais ma « prédication patriotique », et ils se croient tenus de m’en dire leur merci. Aux discours que l’on me tient ce jour-là et que l’on me tient depuis longtemps, l’on me sait gré également, je le sens, de quelques thèmes qu’en mes écrits et discours, je n’ai cessé de développer. Et, par exemple, j’aurais tant voulu faire des miens, une race forte, forte de toutes les vertus humaines, de toutes les forces de la race, forte aussi et surtout des vertus de sa croyance, de tout ce que Dieu peut ajouter à l’homme. Une éducation catholique, me semblait-il, éducation intégrale par essence, devait aboutir à cette fin, à cette beauté ou confesser faillite. Que de fois je suis revenu sur le sujet, ai-je crié ces vérités ! Et c’est peut-être par là que j’ai pu obtenir quelque prise sur l’âme de la jeunesse et une portion des nôtres restés fidèles à l’idéalisme français et chrétien.

Les Jeunesses laurentiennes, section masculine et section féminine, y vont aussi de leur banquet. Je crois avoir déjà dit quels