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plexité ». Le professeur « n’envisage jamais un fait isolément, mais corollairement avec tous les autres auxquels il est lié. De là ces fresques d’idées étonnamment cohésives, ces tableaux fouillés où les accessoires, quoique toujours tenus en laisse, prennent un intérêt presque aussi grand que l’idée principale ». Clément Marchand me sait gré de ne jamais exploiter « l’histoire à des fins nationalistes », et dans les luttes de mon temps, de « ne jamais descendre dans l’arène », de « rester au-dessus de la mêlée », cherchant à jouer de préférence un « rôle de direction intellectuelle et sociale plutôt que politique ». Je livre ces observations d’un critique à ceux-là qui parfois me font l’honneur de m’interroger sur la forme ou le caractère de mes cours d’histoire.

Cours au Manitoba

Mon deuxième essai de ces sortes de cours « pour tous », je le tenterai au loin, là-bas, à Saint-Boniface, au Manitoba. Mon ami, l’abbé Antoine d’Eschambault, chargé d’une œuvre d’éducation pour adultes, m’y appelle. Je donnerai quelques leçons sur l’évolution constitutionnelle du Canada. En outre le Manitoba français s’apprête à célébrer je ne sais quel grand anniversaire de Louis Riel. J’y prononcerai une conférence sur les « Événements de la Rivière-Rouge en 1869-1870 ». Donc, au début de novembre 1944, le train me dépose à Winnipeg. Ici se place un petit épisode qu’il me faut raconter, au risque d’une longue digression.

À peine ai-je mis le pied sur le quai de la gare qu’un reporter du Winnipeg Free Press me prend d’assaut. Le reporter est une femme. Poliment je refuse : « Madame, je viens à Saint-Boniface donner quelques cours d’histoire. Je n’ai rien à dire aux journaux. » J’ai grande envie d’ajouter : « Pas surtout au Free Press ». J’avais gardé plus qu’un mauvais souvenir d’une entrevue qu’était venu