Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
mes mémoires

stead. André Laurendeau — il paraît bien que c’est lui — a publié une petite brochure : Le Bloc à Québec — session provinciale 1945. Il faut lire ces quelques pages, témoignage affreux sur la politique nationaliste à la Maurice Duplessis. Histoire du politicien se traînant péniblement les pieds dans la glaise épaisse de la routine.

Devrais-je noter ici un autre incident ? Lors des élections fédérales de 1945, M. Arthur Cardin, ministre démissionnaire à Ottawa, aurait souhaité, avec le Bloc, une alliance électorale. L’un de ses émissaires me fut même dépêché à ce sujet. Je reçus un appel téléphonique de M. Cardin, me priant de lui « arranger » une rencontre avec M. Raymond. Conséquent avec ma tactique coutumière, je refusai de me mêler à ce manège électoral. Intransigeant, M. Raymond entendait refuser au surplus cette alliance. M. Cardin lui-même se désista d’ailleurs presque aussitôt de toute intervention dans l’élection. Il le fit pour des raisons qu’il ne mit point dans le public. On parla de fortes pressions d’ordre financier.

Déjà gravement atteint par ses dissensions intestines, le Bloc, en proie à d’autres misères, finira par lentement se dissoudre. Aurait-il été victime de la trop longue maladie de Maxime Raymond ? Le chef, resté dans l’action, aurait-il empêché la querelle Lacroix ? Il se peut. Nulle barque ne se passe longtemps de gouvernail. Le Bloc aurait-il péché par stratégie ? Aurait-il eu tort de mener la lutte sur les deux terrains à la fois : le fédéral et le provincial ? Serait-ce pour cette raison qu’il aurait déchaîné contre lui l’opposition virulente de Maurice Duplessis ? Je ne le crois pas. Duplessis se serait vigoureusement opposé à tout mouvement franchement nationaliste. Les chefs du Bloc s’étaient, au surplus, persuadés de cette vérité solide à leurs yeux, que seul un Québec restauré, ramené à son rôle normal, État organique et puissant, pouvait exercer une forte influence à Ottawa, parce qu’alors, il aurait puissance d’imposer ses directives aux ministres et parlementaires canadiens-français dans la capitale fédérale. Était-ce une illusion ? Il ne semble pas. Échec malheureux, pour longtemps irréparable. Pas de mouvement nationaliste possible, dans le Québec, avant un quart de siècle, avais-je prédit aux dissidents.

M. Raymond inscrira l’échec, en sa mémoire, comme un amer souvenir. Il s’était soumis à ce rôle comme à un devoir, il faudrait