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mes mémoires

les espérances naufragées en 1936. L’éternelle et dolente tentative ! Le récent succès de la Ligue pour la défense du Canada a surpris, ranimé les endormis. La Ligue ne pourrait-elle être l’embryon d’un nouveau parti ? Ainsi se le demande René Chaloult. Mais où trouver le chef ? On le cherche. Mes trois visiteurs ont jeté leur choix sur Maxime Raymond, alors le nationaliste le plus en vue et dont la réputation ne cesse de grandir. On me croit donc l’intermédiaire tout désigné pour offrir à M. Raymond ce rôle de chef et le prier de l’assumer. À Valleyfield n’a-t-il pas été, en Rhétorique, mon élève ? Mission qui ne m’agrée nullement. La moindre immixtion dans les aventures politiques, même les plus louables, m’a toujours répugné. On le sait. Et j’en ai tant vu de ces sursauts qui ne sautent pas haut. Je dis donc à mes jeunes amis : « Non, ce n’est pas ainsi qu’on traite avec Maxime Raymond. Dites-lui simplement pour quelles fins vous trois êtes venus me rendre visite, et s’il sent le besoin d’un conseil, il viendra de lui-même. Alors je verrai ce que la prudence et le sens du devoir m’inspireront de lui dire. »

Le 13 juillet, Maxime Raymond arrive aux Rapaillages vers deux heures et demie ; il ne repart que le soir, à huit heures et demie pour Ottawa. Je me garde bien de le pousser vers le nouveau rôle. Mais puisqu’il sollicite et insiste, je me contente de lui rappeler que certains discours, certains gestes exigent parfois un dépassement ; il est bon aussi, ajoutai-je, de consulter la Providence ; il advient qu’elle nous indique où conduisent ses voies. Le 17 août, un mois et quatre jours plus tard, Maxime Raymond reparaît à Vaudreuil. Je note encore dans mon Petit Journal des Rapaillages : « L’affaire du parti qui s’appellerait le parti de la Rénovation, paraît décidée. Il (Maxime Raymond) songe même à jeter sa décision devant le public plus tôt qu’il ne l’avait pensé. Léopold Richer quitterait Ottawa prochainement pour prendre au Devoir… la responsabilité ou la fonction du propagandiste politique. » Et j’ajoutais, avec mon incorrigible enthousiasme : « Dieu soit loué ! Serions-nous enfin à la veille d’une politique de régénération ? Pour la première fois peut-être, dans notre histoire, depuis 1867, un groupe d’hommes aussi sincères et aussi considérables auront tenté l’aventure. » Le nouveau chef surtout m’inspirait cette confiance. Dans ce monde