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mes mémoires

assurer l’unité du Canada, l’union canadienne, l’avenir de notre patrie, et que vous acceptiez de ne pas imposer la conscription. Je rends hommage à mes collègues de langue anglaise, à la majorité du parlement qui ont accepté cette offre dans un esprit généreux, et tout le parlement est lié à la promesse qui a alors été faite.

Mais en Europe, on s’en souvient, les choses ne tardent pas à se gâter : avance foudroyante de l’armée d’Hitler, le sol de la Belgique violé, l’armée anglaise se rembarquant en vitesse pour l’Angleterre, la France laissée seule, réduite à la reddition. MacKenzie King veut se dégager de sa promesse contre toute conscription. Il le fera par un plébiscite qui posera au pays cette question : « Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d’engagements antérieurs qui restreignent les méthodes de recrutement pour le service militaire ? » Proposition assez cavalière que celle-là. Une sorte de contrat a été consenti entre les deux groupes ethniques de la population canadienne. L’un des deux groupes, le Canadien français, a généreusement exécuté les conditions du contrat. Or, on lui demande, non pas à lui seul, mais à tout le pays, c’est-à-dire l’immense majorité, de reviser le contrat. L’issue du plébiscite n’est pas douteuse. Au Québec, un groupe de patriotes décide de répondre NON au plébiscite. En quelques jours, il réunit tous les organismes influents : Union catholique des cultivateurs, Syndicats catholiques, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Voyageurs de commerce, mouvements de jeunesse, L’Action nationale. Pour canaliser ces forces, une Ligue s’organise qui porte le nom de « Ligue pour la défense du Canada ». Un vétéran de ces sortes de mouvements, le Dr J.-B. Prince, en accepte la présidence ; André Laurendeau en sera le secrétaire et un peu le factotum. Deux hommes sont d’ailleurs là pour fournir un puissant concours : Maxime Raymond, député de Beauharnois, à Ottawa, disciple resté fidèle à Bourassa, libéral en politique, mais indépendant d’esprit, et Georges Pelletier, directeur du Devoir, l’un des journalistes les plus intelligents et les plus vigoureux de son temps. Une bataille va s’engager assez ressemblante à celle d’un David contre un Goliath : une poignée d’hommes, presque sans cadres, sans autres ressources financières que l’argent pris en leurs propres poches ou obtenu par quelques aumônes de patriotes. Contre eux toute la puissance gouverne-