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I

RETOUR À L’HISTOIRE

Je commence aujourd’hui, 30 novembre 1955, le cinquième volume de mes Mémoires. Le finirai-je ? Et d’abord dois-je le commencer ? Je suis le condamné qui observe un cadran et qui voit les aiguilles s’acheminer vers l’heure fatale. Cette heure fatale, le Bon Dieu me fait la grâce de la regarder venir avec une certaine sérénité. Mais je deviens scrupuleux sur l’emploi de mon temps. J’ai encore des travaux en chantier. Ai-je le droit de perdre quelque chose des ans, des mois à venir ? L’heure fatale viendra plus tôt que plus tard. Ai-je le droit de me livrer à des écritures de passe-temps ? Là-dessus la conscience, une conscience facile, me répond : il faut savoir se divertir, se délasser. Et qui sait si un jour quelqu’un ne trouvera pas, en ces souvenirs, de quoi faire réfléchir, éclairer sa vie ? Illusion, sans doute. Gardons cette illusion pour le peu qui nous en reste.

Au service de ma mère

Je dois remonter quelque peu en arrière. J’intitule cette période, cinq ans de ma vie, de 1926 à 1931 : Au service de ma mère — Retour à l’Histoire.

Presque en même temps que ma démission à la direction de L’Action française, un notable événement fait courbe en ma vie. Depuis la mort de son mari, ma mère vivait paisiblement dans notre maison natale, à Vaudreuil, au milieu de la famille